Chapite 3 : Influence de l’exposition à l’écrit sur le développement de la litéracie

Dans ce chapitre, nous examinons l’influence d’une variable contextuelle sur le développement des habiletés de litéracie. Ainsi que le soulignent Cunningham et Stanovich (1998), le développement des processus cognitifs et celui des connaissances seraient profondément affectés par l’effet de l’environnement.

Selon le milieu social, les pratiques lecturales des parents et leurs représentations du langage écrit et de son acquisition, les enfants seraient plus ou moins exposés à la culture de l’écrit. Avant l’enseignement formel de la lecture, l’enfant développe ainsi des connaissances en ce domaine et construit différents schémas conceptuels particuliers dont certains s’élaborent par des interactions précoces autour de l’écrit favorables au développement langagier. Prêteur et Sublet (1989) observent que les savoirs des enfants relatifs aux livres de jeunesse se structurent en parallèle aux savoirs liés au code de l’écrit et que cette structuration parait étroitement corrélée à une initiation familiale et préscolaire. Les études évoquées précédemment qui examinent l’influence de l’environnement familial sur le développement des habiletés de litéracie émergente accordent une place importante à l’expérience de lecture conjointe et à la fréquence à laquelle de telles situations se produisent (Leseman & de Jong, 1998). Selon le type de livres (livres d’histoires, magazines, abécédaires…), l’activité de lecture partagée avec les parents stimule le développement de telles ou telles habiletés ou connaissances et prédit à des degrés différents la réussite dans l’acquisition de la langue écrite. La lecture d’abécédaire par exemple, favorise le développement des connaissances alphabétiques dont dépend directement l’apprentissage de la lecture alors que la lecture d’histoires ne constitue pas un prédicteur puissant de la réussite en lecture mais participe néanmoins au développement du vocabulaire et à la familiarisation avec les conventions du langage écrit. Enfin, la lecture entre parents et enfants constitue une source d’apprentissages dont les effets bénéfiques varient selon la fréquence de l’activité (Sénéchal, 2000 ; Lanoë, 2000).

Avant l’apprentissage explicite de la lecture, l’enfant acquiert des connaissances implicites sur les caractéristiques structurales de l’écrit et ceci dès qu’il est exposé aux écrits environnementaux (Gombert, 2003). Grâce à la répétition de cette exposition, il devient sensible aux régularités concernant les configurations visuo-orthographiques, les mots oraux associés à ces configurations (phonologie et lexique) et les significations associées à ces configurations (morphologie et lexique). L’exposition à l’écrit (Ecalle & Mercier-Béraud, 2002) favorise ainsi l’acquisition d’une base de connaissances impliquées dans les processus d’identification de mots.

Nous nous proposons d’observer l’effet de l’exposition à l’écrit que nous pensons se révéler variable selon la nature de l’épreuve. Les pratiques lecturales familiales semblant favoriser davantage le développement du langage oral qu’elles ne participent au développement des connaissances sur le code de notre langue (Baker, Fernandez-Fein, Scher, & Williams, 1998), ou des habiletés phonologiques (Sonnenschein, Baker, Serpell, Scher, Goddard-Truitt, & Munsterman, 1997), nous examinons d’une part, si les enfants les plus exposés à l’écrit manifestent un niveau de vocabulaire plus élevé que leurs pairs les moins exposés. D’autre part, nous mesurons l’état des connaissances alphabétiques et compétences phonologiques de ces enfants ainsi que le poids de l’exposition à l’écrit dans l’acquisition des connaissances orthographiques impliquées en identification et en production de mots écrits et sur le développement de la sensibilité à certaines régularités orthographiques de notre langue.

Le recours à l’instrument de l’exposition à l’écrit, décrit dans une première partie, nous permet de distinguer deux groupes selon le degré de cette exposition. Dans une seconde partie, l’objectif consiste à mettre en évidence la contribution de l’exposition à l’écrit au développement de certains processus d’acquisition de litéracie. Nous étudions cette contribution à l’aide des mêmes épreuves retenues pour évaluer l’influence de l’intérêt pour la lecture. Le lien entre le niveau d’exposition à l’écrit et le degré d’intérêt pour la lecture est également examiné.