5. Exposition à l’écrit et compétences en orthographe lexicale

Les connaissances phonologiques, visuelles, morphologiques acquises implicitement puis développées sous l’effet de l’apprentissage explicite contribuent au stockage des représentations orthographiques. Le contact régulier avec l’écrit favorise l’acquisition de ces connaissances, effet qui devrait se traduire par des performances supérieures en production écrite ainsi que par une sensibilité plus prononcée pour les items de fréquence élevée dans le groupe EE+. L’influence de la fréquence lexicale et de la structure syllabique devrait se manifester à un niveau moindre pour les enfants les moins exposés à l’écrit.

Les 38 sujets (moyenne d’âge de 82.6 mois, écart-type de 3.4 pour le groupe EE+ et de 81.4, écart-type de 4.2 pour le groupe EE-) doivent produire l’écriture de 24 mots réguliers choisis selon trois critères : fréquence lexicale, structure syllabique et taux de réussite en fin de CP (cf. chapitre Intérêt pour la lecture).

Les analyses portent sur des scores composites (productions orthographique et phonologique correctes).

Une analyse de variance 34 permet d’étudier l’effet des trois facteurs, facteur "fréquence" à deux modalités (F+, F-), facteur "structure syllabique" à trois modalités (C1, C2, C3) en intra-sujets et celui du facteur "groupe" (EE+, EE-) en inter-sujets. L’ANOVA ne révèle pas d’effet significatif de l’exposition à l’écrit [F(1, 36) = .269, p < .61]. Les performances enregistrées dans le groupe EE+ (76.8 %) ne diffèrent pas significativement des scores obtenus par le groupe EE- (71.8 %). L’analyse indique un effet de la fréquence [F(1, 37) = 39.7, p < .0001] ainsi qu’un effet de la structure syllabique des items [F(1, 72) = 11.76, p < .0001]. Le tableau 1.44 récapitule l’ensemble des données.

Tableau 1.44 : Nombre moyen de réponses correctes (max.4), minimum et maximum, écart-types, obtenus dans la tâche d’orthographe lexicale, selon la fréquence (F+, F-) et la structure syllabique des items (CVCV, CCVC, CVCC) par chacun des groupes (EE+, EE-)
    F+ F-
    CVCV CCVC CVCC CVCV CCVC CVCC

EE+
moyenne 3.3 3.4 3.2 2.65 3.2 2.65
σ 1.17 1.28 1.2 1.42 1.2 1.23
étendue 0-4 0-4 0-4 0-4 0-4 0-4

EE-
moyenne 3.2 3.1 3.1 2.2 3.1 2.5
σ 1.22 1.23 1.32 1.54 1.32 1.38
étendue 0-4 0-4 0-4 0-4 0-4 0-4

Nous observons des performances supérieures des mots de fréquence élevée sur les mots de fréquence faible (80.5 % vs 67.8 %). Les performances enregistrées pour les items CCVC (80.3 %) sont significativement supérieures (p < .0002) à celles des items de structure CVCV (70.8 %) et significativement plus élevées (p < .0005) que les performances observées pour les items CVCC (71.8 %). L’interaction entre les facteurs "groupe" et "fréquence" [F(1, 36) = .301, p < .59] ainsi que l’interaction entre les facteurs "groupe" et "structure syllabique" [F(1, 36) = .453, p < .64] ne sont pas significatives. Les enfants du groupe EE+ ne sont pas plus performants dans la production d’items de fréquence élevée que leurs pairs du groupe EE- (p < .55). Les scores obtenus par les deux groupes dans chacune des catégories établies en fonction de la structure syllabique ne se distinguent pas significativement.

L’ANOVA n’indique pas de triple interaction [F < 1].

Nous notons un effet conjugué des variables "fréquence" et "structure syllabique" [F(2, 72) = 5.58, p < .006] dû à un écart entre les mots de fréquence F+ et F- moins marqué pour les items de structure syllabique CCVC (p < 1) que pour les items de structure syllabique CVCV (p < .0001) et de structure syllabique CVCC (p < .007). La figure 1.23 illustre l’effet d’interaction.

Figure 1.23 : nombre moyen de bonnes réponses obtenues par les deux groupes EE+ et EE- selon la fréquence (F+, F-) et la structure syllabique des items (CVCV, CCVC, CVCC).
Figure 1.23 : nombre moyen de bonnes réponses obtenues par les deux groupes EE+ et EE- selon la fréquence (F+, F-) et la structure syllabique des items (CVCV, CCVC, CVCC).

Pour les items de structure syllabique CVCV, le taux de réussite est supérieur lorsque la fréquence de ces items est élevée (81.5 % vs 60.1 %). Pour les mots de structure syllabique CVCC, ce sont également les items dont la fréquence est la plus élevée qui recueillent les meilleures performances (79 % vs 64.5 %).

Le niveau d’exposition élevé présenté par les enfants du groupe EE+ ne s’accompagne pas de performances significativement plus marquées que les scores obtenus par les enfants du groupe EE-. Il ne se traduit pas non plus par un avantage dans la production d’items de fréquence élevée contrairement à nos hypothèses ou par une différence de traitement des items selon leur structure syllabique.

Notes
34.

Plan expérimental : S<E2>*F2*C3