Discussion

Il s’agissait de mesurer l’influence des connaissances alphabétiques sur l’acquisition de la litéracie. Cette série d’analyses de régression a permis de préciser le poids d’un ensemble de variables indépendantes sur les compétences en lecture et écriture évaluées à partir de cinq tâches : lecture à voix haute (LVH), production de mots orthographiquement correcte (PMO), production de mots orthographiquement et phonologiquement correcte (PMOP), identification de mots écrits (Timé 2 et Timé 3). Dans ces analyses de régression hiérarchique à choix forcé, nous avons introduit successivement l’âge des enfants (début CP), le niveau d’efficience intellectuelle (cubes de Kohs, début CP), les scores obtenus dans les épreuves de vocabulaire (fin GS) et dans les épreuves phonologiques (mi CP).

L’âge et le vocabulaire expliquent une part significative de la variance uniquement en lecture à haute voix et en identification de mots, tâches proposées en CP. La contribution de l’efficience intellectuelle s’avère significative en identification de mots en CP et en CE2 (Timé2 et Timé 3). Les scores globaux enregistrés aux tâches phonologiques, dernière variable introduite à choix forcé, rendent compte d’une part conséquente de variance des performances obtenues dans toutes les épreuves (LVH : 29 %, PMO : 34 %, PMOP : 36 %, Timé 2 : 17 %) sauf dans la tâche d’identification de mots proposée en CE2 (Timé 3 : 3 %) où la contribution de l’intelligence s’avère plus importante (14 %).

Le poids sensible des compétences phonologiques sur les scores relevés en CP et uniquement en CP semble décrire la chronologie développementale suivante : en début d’apprentissage de la langue écrite, les enfants ne disposent pas encore de lexique orthographique. De ce fait, ils recourent à un traitement phonologique pour lire et identifier les mots. En CE2, le niveau d’expertise acquis permet le recours à une procédure orthographique pour traiter les mots notamment les mots fréquemment rencontrés.

La part d’explication des scores par les quatre variables introduites varie selon les tâches : LVH : 51 %, PMO : 49 %, PMOP : 46 %, Timé 2 : 45 %  et Timé 3 : 17 %.

Après le contrôle de ces quatre variables, les analyses successives ont permis de mettre en évidence la contribution de la connaissance du nom des lettres dans les scores obtenus à quatre tâches. Sauf pour la tâche PMOP, la capacité à dénommer les lettres émerge significativement, expliquant une part de variance des scores obtenus en CP comme en CE2. La connaissance du nom des lettres évaluée en début CP, dans les deux répertoires d’écriture s’avère influente sur les performances en lecture à voix haute (4 % de variance supplémentaire) et production de mots écrits (6 % de variance supplémentaire). La variance des scores en identification de mots en CP (Timé2) est expliquée pour partie par la connaissance du nom des lettres, exprimée dans le répertoire capitales d’imprimerie, évaluée en fin GS (9 % de variance supplémentaire) et début CP (10 % de variance supplémentaire). Enfin, les compétences en identification de mots en CE2 (Timé 3), sont expliquées pour partie par la connaissance du nom des lettres mesurée en début de GS dont les scores apportent 7 % de variance supplémentaire.

Des trois compétences alphabétiques, seule la connaissance du nom de la lettre contribue à l’explication de la variance des différents scores observés : la connaissance de la comptine alphabétique et la connaissance de la valeur phonémique des lettres n’émergent significativement dans aucune des analyses de régression. Les résultats indiquent également que l’intérêt pour la lecture ne contribue pas à l’explication de la variance des performances recueillies dans chacune des épreuves. L’absence de liens entre la dimension conative et les mesures de litéracie réalisées auprès des 57 sujets est cohérente avec les résultats issus de l’étude précédente. Ces derniers ne montraient pas d’incidence significative de cette dimension sur les compétences ultérieures en lecture et en écriture.