Introduction

Aux Etats-Unis, tout comme dans la majorité des pays occidentaux, on constate l’émergence d’un ensemble de phénomènes regroupés sous l’appellation générique « New Age », qui se distinguent par leur caractère spirituel ou religieux, et qui se déclinent en une infinité de formules. Stages, cours, thérapies, psychothérapies, cures, livres, magazines, groupes de prière, de méditation ou de discussion, huttes de transpiration, randonnées dans la nature sauvage, en sont autant de formes – qui ne donnent qu’un aperçu de la variété du New Age.

Le mouvement New Age américain est difficile à définir, en partie parce que d’abord il ne constitue pas un « mouvement » au sens strict du terme. Il comprend tant de courants, de modes de participation et de centres d’intérêt, que sa fluidité conceptuelle a fini par devenir un élément de définition. Nous tenterons cependant ici d’en dessiner les contours.

Le New Age est un mouvement spirituel, dont la manifestation contemporaine est apparue dans les années 1970, et qui s’organise autour de valeurs essentiellement contreculturelles. 1 Parmi les thèmes les plus répandus, on trouve :

Pour ne citer qu’une petite partie de sa généalogie, ce mouvement s’inspire de philosophie orientale, de pratiques amérindiennes (et des peuples traditionnels d’autres continents), de traditions pré-chrétiennes, des mouvements américains du XIXème et XXème siècle (New Thought*, Religious Science*, etc). L’absence d’organisation interne et de cohésion est telle que l’on a parlé, à son propos, de « nébuleuse ». 3

Le New Age, dans son acception la plus restreinte, est mouvement utopique et messianiste qui attend un « changement de paradigme » devant se traduire par une transformation énergétique de l’homme (qui atteindra alors un degré de « vibration » 4 plus élevé), par une modification des attitudes (le cerveau droit, plus analogique et intuitif, prendra le pas sur le cerveau gauche, les valeurs féminines domineront, le cycle des guerres et des oppressions prendra fin). Il y a dans le New Age une notion que l’humanité va, ou peut, s’améliorer, et que cette transformation planétaire passe par une transformation personnelle, que l’on peut provoquer grâce à un certain nombre de pratiques.

Cette émergence inquiète ou enthousiasme selon la manière dont elle est comprise. Certains y voient un retour à des valeurs essentielles, trop souvent négligées dans la société américaine contemporaine, d’autres considèrent qu’il s’agit là d’une dangereuse subversion, à visée totalitaire et sectaire, d’une dérive de plus dans un monde sans repères. La pluralité des formes du New Age reflète celle de la société américaine, et préfigure celle des réponses qui lui sont apportées.

Il existe une forme d’unité dans le New Age, scellée par un certain nombre de pratiques, mais aussi de croyances, qui se retrouvent dans les multiples expressions du mouvement. Quelles sont-elles ? Comment s’organisent-elles ? Beaucoup en viennent en effet à dire que ce n’est pas le contenu, mais bien le mode d’organisation du New Age qui en fait un mouvement global. Sa particularité, en ce qu’il relie de manière lâche et non-hiérarchisée des éléments a priori fort disparates, constitue-t-elle une force ou une faiblesse ?

Que signifie l’apparition du New Age pour la société ? Pourquoi une telle émergence ? Pour certains, il s’agit d’un retour du religieux, pour d’autres d’une pseudo-spiritualité qui tente de subvertir la culture américaine, de l’envahir de l’intérieur, qui à grands coups d’orientalisme vient dénaturer toutes les traditions américaines. Quel est son rôle ? Le New Age est-il égalitaire ? Moderne ? Américain ? A chacune de ces questions nous tenterons de répondre, en plaçant le New Age devant ses contradictions, et en particulier en démontrant comment les idéologies et la réalité ne coïncident pas toujours.

Pour cela, nous allons tout d’abord tenter de comprendre quelle est la place du New Age dans les théories sociologiques de la religion. Nous tenterons ensuite d’établir une définition du New Age, tout en faisant le point sur la terminologie que nous allons utiliser au cours de ce travail. Nous présenterons enfin les hypothèses qui sous-tendent cette thèse, avant d’en expliquer la méthodologie.

Notes
1.

Valeurs défendues au sein du mouvement contreculturel, notamment d’égalité, de liberté, de pacifisme, de « jeunisme », d’opposition à la hiérarchie et aux institutions.

2.

Les astérisques* renvoient à l’index en annexe.

3.

F. Champion, “Les Sociologues de la Post-Modernité Religieuse et la Nébuleuse Mystique-Esotérique”, Archives de Sciences Sociales des Religions, janvier-mars 1989, vol. 67:1.

4.

Selon les auteurs du New Age, l’humanité peut accélérer sa propre évolution en augmentant son niveau d’énergie, ce qui augmentera le niveau de vibration des atomes du corps humain et le rendra invisible aux hommes moins évolués. Cette transformation énergétique permettra de transcender la frontière entre la vie et la mort. (cf. J. Redfield, The Celestine Prophecy, 1993, pp. 240-242.