Réenchantement du monde

Dans la société américaine contemporaine, si le nombre de croyants recensés par les institutions religieuses ne cesse de décliner, le nombre de personnes qui se disent « croire en une quelconque forme de divinité » est très important (96%). Ce hiatus peut s’expliquer si l’on prend en compte les croyants hors-institutions décrits par T. Luckmann. Les arguments pour le « réenchantement du monde » sont répartis en trois catégories :

1) La théorie du désenchantement du monde serait fausse dans la mesure où elle présuppose que la religion a eu, avant la période moderne, une importance considérable, ce qui n’est pas le cas. Bruce relève à ce sujet :

‘There is evidence that medieval people were not terribly attentive Christians […]. Studies of medieval court records show peasants being hauled up for playing cards and firing off shotguns in church, for failing to attend church, or for engaging in pagan rites and rituals. 13

2) La religion se maintiendrait toujours à des niveaux équivalents malgré une évolution cyclique (qui peut présenter des périodes où la religion aurait une importance moindre). La théorie de Stark et Bainbridge des « compensateurs » est un exemple de ce deuxième argument. D’après eux, le fonctionnement humain normal est une recherche constante de « récompenses », qu’elles soient matérielles ou affectives. Quand ces récompenses ne sont plus accessibles, en particulier lors de périodes de crise ou d’évolution sociale rapide, des « compensateurs » (à savoir « une croyance non justifiée de manière empirique que les récompenses vont être obtenues » 14 , que l’on peut également associer à une tentative religieuse et/ou magique) peuvent se substituer aux « récompenses » inaccessibles. Cette approche behavioriste peut sembler un peu réductrice. Cependant, dans ce cadre, une forme quelconque de religion est nécessaire au bonheur humain : si les religions traditionnelles perdent de la vitesse, de nouveaux mouvements religieux se développent.

L’histoire religieuse se présenterait donc sous forme de cycles : la religion principale s’allie de plus en plus intimement à la culture, au point de ne plus proposer de véritable alternative, de véritable religiosité, ni de compensateurs à tous ceux qui n’occupent pas une position dominante dans la société. C’est la description d’une sécularisation maximale de la société. Face à cet échec de la religion traditionnelle, apparaissent Nouveaux Mouvements Religieux et sectes, qui dans un premier temps offrent une réelle alternative (donc un degré de déviance) de la religion et de la société majoritaire, puis à leur tour se sécularisent, etc.

3) La sécularisation a été une réalité de la période moderne, mais la tendance post-moderne voit un renversement de la situation et un retour du religieux, comme le prouve le foisonnement religieux contemporain.

Notes
13.

S. Bruce, Religion in the Modern World : from Cathedrals to Cults, 1996, p. 53.

14.

J. Richardson, Money and Power in the New Religions, 1988, pp. 14-15, « empirically unsubstantiated faith that rewards will be obtained ».