Les interprétations psycho-sociologiques

Les interprétations psychologiques – bien qu’indissociables de l’explication historico-sociologique – font cependant l’objet d’études à part, qui s’appliquent surtout à une compréhension du phénomène au niveau personnel, et s’attaque principalement aux théories de la conversion, de la socialisation, et de la déconversion. Ce paradigme a beaucoup été utilisé par le mouvement anti-secte, qui voit dans la conversion principalement un phénomène de « lavage de cerveau » et de manipulation.

Dans les études moins partisanes de la conversion, le livre de D. Bromley et A. Shupe, Strange Gods, par exemple, expose des principes reconnus par l’ensemble des sociologues dans ce domaine, à savoir :

La recherche de J. L. Jacobs, Divine Disenchantment: deconverting from new religions est une très bonne analyse de la déconversion. D’après lui, les « déconvertis » des Nouveaux Mouvements Religieux expriment une déception, non pas par rapport à la spiritualité alternative (ils restent la plupart du temps dans le New Age), mais plutôt par rapport à un mode d’engagement et au groupe religieux qu’ils avaient choisi :

‘[D]econversion becomes another form of failed idealism, this time within the context of the religious family that has replaced the family of origin as the source of primary socio-emotional relationships. 20

Les études psychologiques sérieuses de la conversion ont également permis de récuser un lieu commun répandu parmi les détracteurs des Nouveaux Mouvements Religieux, à savoir que ces groupes attirent principalement des personnes mentalement déséquilibrées dont ils profitent. L. Lilliston et G. Shepherd, en particulier, dénoncent cet argument :

‘ In summary, then, several well-constructed, systematic studies of current members of a variety of New Religious Movements present data that converge towards a clear conclusion of absence of any unusual degree of psychopathology among these members. This conclusion contrasts greatly with the conclusion of critics who rely on anecdotal data provided by ex-members in therapy and by their families. 21

Les interprétations psycho-sociologiques des Nouveaux Mouvements Religieux comprennent également des analyses de la structure globale de la société dans laquelle s’inscrivent ces groupes, comme les réflexions sur l’éducation et le conflit des générations. S. Tipton, par exemple, remarque que les enfants élevés entièrement dans l’éthique de la sphère privée (éthique de la religion biblique) ne sont confrontés à ces contradictions qu’au moment du passage dans la vie adulte. Il devient à ce moment extrêmement difficile d’abandonner des valeurs humanitaires pour un système où l’individu, maillon dans la chaîne du capitalisme, doit s’effacer et tenter de se réaliser dans son travail (éthique utilitariste) :

‘A new ethos infused childhood and then youth, via lengthening education, with personalistic psychological values and universalistic moral values based in the family. In particular this new ethos fostered the expectation that each individual would be treated as an end, with the respect and consideration due to a uniquely valuable person. The stronger this expectation, the more antagonistic the confrontation between its youthful carriers and the impersonal and instrumental utilitarianism of the technological and bureaucratic world. 22

Ce choc brutal, démultiplié lors du passage à l’âge adulte de la génération du « baby-boom », aurait donc provoqué une réaction massive des jeunes contre cette culture utilitariste qu’ils étaient censés adopter. L’auteur considère donc que ce phénomène a été la source du mouvement contreculturel. Cependant, l’échec de ce dernier laisse les hippies démunis de tout système moral valable : ils ne peuvent plus accepter l’éthique utilitariste, mais doivent travailler pour vivre (surtout dans la crise économique des années 1980). Dans ce contexte, les Nouveaux Mouvements Religieux permettent aux anciens hippies de trouver un moyen d’accepter le monde.

D’autres chercheurs dans la lignée psycho-sociologique s’attachent à comprendre la socialisation de praticiens (J. A. English-Lueck) ou les similitudes entre les rhétoriques des parapsychologues, des New Agers, et des sceptiques (D. Hess).

Notes
20.

J. L. Jacobs, Divine Disenchantment: deconverting from new religions, 1989, pp. 125-126.

21.

L. Lilliston, G. Shepherd « New Religious Movements and mental health » in J. Cresswell, B. Wilson (eds.), New Religious Movements: Challenge and Response, 1999, p. 128.

22.

S. Tipton, Getting Saved From the Sixties: Moral Meaning in Conversion and Cultural Change, 1982, p. 26.