La tradition laïque (« Secular-Humanist ») et ses limites

La crédibilité d’un travail de recherche, et surtout son impartialité, se trouvent particulièrement dans la deuxième catégorie, celle des laïcs, bien que l’on trouve occasionnellement des analyses pertinentes au sein d’ouvrages religieux ou prosélytes. Si les chercheurs laïcs tendent vers la neutralité, il n’en reste pas moins que la perspective laïque est aussi sujette à influences, préjugés, et orientations plus ou moins conscientes.

Tout d’abord, le terme anglais fait bien apparaître les enjeux de la position, « secular humanist » met l’accent sur les fondements athées de la recherche laïque. D. Hervieu-Léger expose les deux tendances contradictoires qui sont en jeu :

‘ Sur toute la durée de son histoire, la perspective laïque apparaît écartelée entre l’objectif démocratique de garantir la liberté des croyances – pourvu que celles-ci soient contenues dans la sphère privée – et un désir plus ou moins clairement exprimé « d’arracher les consciences à l’influence de représentations jugées radicalement contradictoires avec la raison et l’autonomie » : un désir qui nourrit une méfiance viscérale (même si elle est rarement explicitée) envers la croyance religieuse comme telle. 31

On est là au cœur de la contradiction même de la démarche scientifique qui se nourrit, pour exister, de rationalisme anti-religieux. D’autre part, la perspective laïque est intimement persuadée – par essence – de la nécessité de situer toute action de transformation du monde au niveau social et donc politique, ce qui n’est absolument pas le cas dans les traditions religieuses, et notamment dans le New Age. Les deux paradigmes s’opposent donc absolument dans ce domaine comme dans un certain nombre d’autres champs. D. Stone expose le problème d’évaluation qui se pose pour les chercheurs de la tradition laïque :

‘ From the point of view of many of the critics, social responsibility is encouraged through the cultivation of “civic virtue.” Civic virtue includes unselfishness, honesty, courage, sacrifice and concern for community life. These are virtues not because they are God-given or legislated, but because they are needed to foster community and a coherent social order in which individual potential can emerge. […]
From this point of view the activities of the Human Potential movement simply reinforce self-indulgence that is already out of control in a capitalistic consumer society, and that survives by persuading people that accumulating more is better. The consumption of “experiences” becomes the successor to the consumption of commodities. Awareness trainings are seen as reducing the moral tension of middle class liberals who might otherwise contribute to the common good.
Human potential culture is very different in its approach to providing for the common good. It downplays observing moral principles in favor of self-observation. […] While many of the experiences provided by growth groups are ego-strengthening, some of the self-centering disciplines assist in a person’s identification with self rather than ego-process. As people become more aware of who they really are, it is assumed that they will experience themselves as being responsible and related to others. Participation and service then become satisfying experiences rather than moral obligations. Realizing the true and real self is the ultimate satisfaction. 32

Avec le New Age, comme avec tout système philosophique et/ou religieux, on assiste à une modification des relations de causalité (invocation de causes « magiques » ou paranormales), à une modification du système de valeur, ainsi qu’à la construction d’un nouveau vocabulaire, ce qui complique encore l’analyse du discours New Age. Ce qui apparaît à un observateur extérieur (utilisant la grille de lecture de la pensée rationnelle) comme un constat d’inefficacité ou une inadaptation apparente des moyens employés peut être interprété différemment par les New Agers qui acceptent l’intervention magique.

Notes
31.

D. Hervieu-Léger, La Religion en miettes, p. 22.

32.

D. Stone, « Social consciousness in the Human Potential Movement » in D. Anthony, T. Robbins, In Gods We Trust: New Patterns of Religious Pluralism in America, 1981, p. 225.