Délimitation du sujet

Au niveau thématique, nous avons choisi de limiter notre étude au New Age, qui forme un ensemble cohérent dans son éclectisme même, et de ne pas étendre notre analyse à l’ensemble des nouvelles formes religieuses qui se sont développées dans la même période (notamment le Mouvement de Jésus). En effet, si le Mouvement de Jésus est né en même temps que les autres Nouveaux Mouvements Religieux dont nous traitons, il s’adresse à un public nettement différent, comme l’ont remarqué presque tous les observateurs. M. C. Ernst résume ce découpage :

‘Cette parenté entre groupes néo-orientaux et MPH se retrouve au niveau du recrutement. Leurs adeptes se ressemblent à ce point que le passage de l’une à l’autre catégorie ne semble poser aucun problème. Disons ici que les mouvements contreculturels néo-orientaux et le MPH se partagent la même clientèle. Nous avons vu plus haut que le Mouvement de Jésus recrutait ses adeptes au sein d’une population sociologiquement et psychologiquement différente 41 .’

Nous considérons les dérives sectaires (parfois alimentées par l’aspect baroque du New Age, et jamais – ou en tous cas rarement – dénoncées par les participants de ce mouvement dont le mot d’ordre est « tolérance ») comme un phénomène très marginal au New Age, en particulier parce qu’elles sont négatives, dogmatiques, et extrêmement hiérarchisées. Par conséquent nous n’en traiterons que dans la mesure où elles nous informent sur les limites de notre objet d’étude.

La période que nous avons délimitée pour cette étude débute en 1980 et va jusqu’à ce jour. Tout d’abord, le New Age en tant que mouvement semble avoir émergé à la conscience américaine à la fin des années 1970 et au début des années 1980, en particulier avec la parution de The Aquarian Conspiracy, de M. Ferguson (1980). La première « New Age Fair » avait eu lieu en 1978. Cette période est également marquée par un certain nombre de tendances sociologiques générales, à savoir :

  • - un déclin des communautés ;
  • - un développement de « la forme supermarché » 42 qui fait de la spiritualité un objet de consommation ;
  • - un affaiblissement des doctrines et dogmes au profit d’une religion centrée sur les pratiques ;
  • - une intensification des conflits avec la société dans les années 1980 (développement du phénomène anti-sectes), suivie d’une banalisation des expressions du New Age du passage d’un certain nombre d’idées dans le langage courant, comme le souligne J. Vernette :
‘Notons […] une évolution des tendances à partir des années 80-90. Les effervescences religieuses des débuts, par exemple dans le Renouveau charismatique en christianisme, s’assagissent et ont tendance à rejoindre l’institution. La radicalité des ruptures marquant les entrées en secte s’atténue largement. La recherche du développement personnel est davantage régulée au sein des mouvements de Développement du Potentiel humain, fer de lance du New Age. Le vocabulaire propre de la sphère ésotéro-mystique – expansion de la conscience, holisme, réincarnation, karma, énergie cosmique –, se banalise en tombant dans le domaine public 43 .’

Nous nous attacherons à démontrer comment ces évolutions récentes participent d’une tendance englobante à l’américanisation.

Enfin, au niveau géographique, nous avons choisi de mener notre recherche de terrain en Californie du Sud. L’ensemble de l’Etat revêt une importance symbolique capitale pour les auteurs du New Age, et toute la palette des groupes New Age y est représentée. La Californie du Sud, plus particulièrement, attire de nombreux mouvements et sympathisants avec une orientation métaphysique, alors qu’en Californie du Nord, l’aspect social et engagé du New Age est plus développé.

Notes
41.

M. C. Ernst, Le mouvement religieux contreculturel, p. 172.

42.

Selon le terme de D. Spangler, “The New Age: The Movement Toward the Divine”.

43.

J. Vernette, Le New Age, 1992, pp. 22-23.