Premiere partie. Continuités et filiations dans l’histoire américaine

Chapitre I. Premiers colons européens, puritains, et majorité Anglo-saxonne

Nous partageons l’idée que le New Age américain s’ancre profondément dans l’histoire du pays, et ce de deux manières. D’une part, des conditions favorables (mode d’immigration, sociétés civiles) permettent au New Age de se développer. Dans un deuxième temps, les New Agers reconstruisent a posteriori leur propre histoire, et considèrent que l’histoire des Etats-Unis préfigure et construit le New Age. Nous allons nous intéresser aux racines historiques profondes, constituées des différents apports ethno-culturels, qui sous-tendent, expliquent, et composent le New Age. De même, nous étudierons la dynamique interne au mouvement de lecture interprétative de cette histoire : au sein du New Age, il y a choix, composition et construction de l’histoire. Les New Agers se construisent des lignages, des familles, une « généalogie imaginaire », selon les termes de D. Hervieu-Léger.

Dans ce sens, les sources du New Age se retrouvent dans les apports des différents groupes ethno-culturels : celui des premiers colons européens, qui deviendront la majorité anglo-saxonne, principaux acteurs de l’histoire américaine contemporaine ; mais aussi les autres groupes ethniques, en particulier les amérindiens, les afro-américains et les asiatiques. Ce multiculturalisme américain est mis en avant dans les années 1960, où se produit une sortie du conformisme, qui se manifeste par une acceptation du syncrétisme, une valorisation de l’ethnicité, et un abandon de l’explication monolithique de l’histoire. On peut d’ailleurs parler de l’émergence d’un « proto-New Age » dans la contre culture des années 1960 et 1970. Le syncrétisme constitutif du New Age est servi par la fluidité du mouvement, qui en fait un objet en perpétuelle construction, enclin à l’auto-analyse.

Dans leur construction d’une généalogie imaginaire, les New Agers procèdent par lecture interprétative et subjective, qui implique des distorsions, des omissions, et un processus d’idéalisation. Dans ce contexte, l’importance symbolique prime sur la réalité historique. L’importance de la religion dans l’histoire américaine est systématiquement mise en avant ; l’ouverture, la tolérance et la liberté sont les principaux termes associés à celui de « religion », et chacun de ces éléments est perçu comme constitutif d’une évolution dont l’aboutissement est la forme contemporaine du New Age (ou à défaut la forme utopique du New Age).

L’histoire des premiers colons européens est exploitée avec une attention particulière, la lecture qui en est faite pouvant aller jusqu’à une mythification. De cette manière, il y a dans le New Age un réel retour du patriotisme et une revendication de l’américanité du mouvement. Ensuite, plusieurs thèmes centraux dans le New Age trouvent leur origine dans des problématiques de l’Amérique coloniale et puritaine. Ces questionnements récurrents dans l’histoire des Etats-Unis appellent un ensemble de réponses développées par des groupes qui sont les véritables précurseurs et ascendants des New Agers.