Dans une société de plus en plus plurielle (mais pas nécessairement pluraliste), une religion ou spiritualité plus tolérante, ouverte à la différence, est mieux adaptée pour survivre et se développer. Le New Age professe qu’il n’y a pas une vérité absolue, mais une multitude de chemins. Il s’agit selon C. Campbell d’une des conditions d’existence de la religiosité contemporaine :
‘Closely related to the stress upon individualism is the very high valuation of tolerance. This is also a very distinctive feature of mystic religion and one which makes it especially compatible with the pluralistic character of modern society. Spiritual and mystic religion carries the principle of tolerance even further than the denomination extending it not merely to all those of one’s own faith or religion but to all people. An intensely personal religion of conviction in which truth is considered polymorphous in form necessarily involves the recognition that each and every human soul can be a vehicle for divine revelation in some form or other. Such relativity leads necessarily to an extreme tolerance that borders upon permissiveness. 160 ’Comme le souligne C. Campbell, un relativisme total trouve ses limites, ou plutôt risque de ne pas trouver de limites. De même, la prédominance de la pensée positive* interdit toute critique, à quelque niveau que ce soit, et participe à ce climat laxiste, qui n’est qu’une autre facette du « laissez-faire ». De nombreuses critiques du New Age reposent sur le manque d’esprit critique et de discernement créé par une tolérance qui se mue en acceptation de tout et n’importe quoi. Comme le souligne J. Vernette, cela pose certains problèmes, en particulier dans le domaine artistique, mais aussi de manière plus générale dans tout effort de progression :
‘L’attrait du sans-limite va mener parfois à un manque affligeant de sens critique: […] quand on met sur le même plan l’œuvre parfaite du maître accompli et l’ébauche laborieuse du débutant, sous couvert de respect de la créativité. « Le vrai développement personnel ne va pas sans un esprit critique. Nous aidons les gens à grandir autant en leur signalant leurs erreurs qu’en les félicitant pour un travail bien fait ; ce qui implique d’établir des limites ». 161 ’Il semble que les New Agers utilisent le concept de relativisme pour justifier une forme d’auto-complaisance ; ils tendent dans la même dynamique à abdiquer leur esprit critique. Le mouvement perd sa cohérence et son intérêt propre dans la dilution des théories et des valeurs.
Le lien entre libéralisme et New Age suggère que les côtés négatifs tout comme les côtés positifs de cette théorie économique déteignent dans la sphère spirituelle : plus de liberté individuelle mais risque d’individualisme forcené ; potentiel de croissance personnelle et interpersonnelle mais oubli des inégalités de départ ; tolérance qui risque de se muer en laxisme.
C. Campbell, “The Secret Religion of the Educated Classes,” p. 154.
J. Vernette, Le Nouvel Age, 1990, p. 146.