1. Les raisons d’un mythe : la relation au monde naturel

Plusieurs éléments de la culture amérindienne expliquent la fascination contemporaine du mouvement New Age, en particulier deux thèmes qui ont pris une importance particulière depuis les années 1960 : la relation des Indiens au monde naturel, et la place des femmes. Le New Age en quête de modèles spirituels, culturels et sociaux, considère ces civilisations comme exemplaires en termes de justice environnementale et d’égalité des sexes.

Au niveau écologique, la civilisation amérindienne d’avant la colonisation est une civilisation pré-moderne, et préindustrielle, les populations vivent ce qui paraît être, pour les Occidentaux, une véritable symbiose avec la nature. Cependant, cette conception parfois simpliste de l’Indien « qui fait un avec la nature », et parfois idéaliste de l’Indien « respectueux de toute forme de vie », présente les inconvénients que comporte tout stéréotype. C. Martin note à ce sujet :

‘ Late in the 1960s the North American Indian acquired yet another stereotypic image in the popular mind : the erstwile “savage,” the “drunken” Indian, the “vanishing” Indian was conferred the title of the “ecological” (i.e., conservationist-minded) Indian. Propped up for everything that was environmentally sound, the Indian was introduced to the American public as the great high priest of the Ecology Cult. […] The idea would never have taken hold had it not been that conservationists needed a spiritual leader at that particular point in time, and the Indian, given the contemporary fervor and theology of environmentalism, seemed the logical choice. 169

L’idée de l’Indien-écologiste a été défendue par des chercheurs sérieux, ainsi que par des Amérindiens : N. Scott Momaday, un écrivain Kiowa (qui reçut le prix Pulitzer), ainsi que Vine Deloria, Jr, un activiste Sioux, et Sun Bear, le « chaman New Age » du XXème siècle, entre autres, ont prôné l’exemple indien dans l’utilisation des ressources planétaires.

Bien souvent, l’écologisme supposé ou réel des Indiens constitue un débat idéologique et partisan. Les protagonistes s’attachent plus à des images idéalisées des peuples amérindiens qu’à une réalité historique, et les positions fonctionnent de pair avec des visions manichéennes de la relation entre colons européens et indigènes américains.

De plus, la question en soi demeure complexe. C. Martin décrit la relation de l’Amérindien avec la nature dans les termes suivants :

‘ Nature, for virtually all North American Indians, was sensate, animate, and capable of aggressive behavior toward mankind. When Indians referred to other animal species as “people” – just a different sort of person from man – they were not being quaint. Nature was a community of such “people” – “people” for whom man had a great deal of genuine regard and with whom he had a contractual relationship to protect one another’s interests and fulfill mutual needs. Man and Nature, in short, were joined by compact – not by ethical ties – a compact predicated on mutual esteem. This was the essence of the traditional Indian-land relationship. 170

Il semble assez peu réaliste de vouloir appliquer ce type de relation à la société moderne et industrielle qu’est l’Amérique contemporaine, même au niveau symbolique et religieux. Les auteurs du New Age souhaitent faire un symbole du peuple amérindien, mais une telle attitude est réductrice de la complexité d’un groupe ethnique tiraillé par les enjeux de la société contemporaine. C’est l’ « Indien » en tant qu’archétype et symbole qui est important pour le New Age (et en général pour la société Euro-Américaine) , non pas l’ « Indien » réel.

Notes
169.

C. Martin, Keepers of the Game; Indian-Animal Relationships and the Fur Trade, 1978, p. 157.

170.

Ibid., p. 187.