La religion des esclaves, même aux États-Unis où l’influence africaine à été réduite au point d’être ignorée par les observateurs, est un exemple de syncrétisme. Sous forme de croyances magiques et de superstition, la religiosité africaine se manifeste et en vient à teinter le Christianisme afro-américain. E. Genovese affirme à ce sujet :
‘ The slaves’ Christianity cannot be understood as a façade behind which the countryside practiced pagan rites or wallowed in something called superstition. Nor, alternatively, can the beliefs and practices of the folk be understood as having corrupted the slaves’ Christianity. Folk belief, including the belief in magic, constituted a vital element in the making of the slaves’ own version of Christianity, and does not appear to have introduced any greater distortion into a supposedly pure Christianity than did those folk beliefs of ancient, medieval, or even modern Europe which steadily helped shape the formation of the high religion.’ ‘Even when the churches resolutely fought popular “superstition”, they had to absorb much of it either by direct appropriation or by bending formal doctrine to provide the spiritual elements that made folk belief attractive. Thus, however harshly the sophisticated urban black ministers waged war on what they considered the pagan residues of their flock, they could not easily convince the conjurers or their supporters of any unchristian doing, nor could they avoid shaping their own doctrine in such a way to answer the questions that the resort to magic posed. 180 ’L’aspect magique est d’autant plus important que, dans le contexte de l’esclavage, une religiosité propre au peuple afro-américain permet d’augmenter le pouvoir personnel de l’esclave-sorcier, fut-il symbolique. Si les « sorciers » noirs purent être qualifiés d’accomodationnistes – tout comme les prêtres noirs, d’ailleurs – c’est uniquement dans une optique de « réalisme politique ». Les hommes de religion, conscients d’avoir un pouvoir certain auprès de leurs frères de souffrance et parfois de leurs maîtres, ne souhaitaient pas voir faillir leur pouvoir en se confrontant à l’autorité des blancs. Ce respect de l’autorité n’empêchait par ailleurs pas des formes déguisées ou humoristiques de contestation, de raillerie et de provocation.
Rapidement, la religion des esclaves étend son influence. Les blancs, qu’ils soient riches propriétaires ou pauvres fermiers, prennent conscience de son importance et ne restent pas indifférents à son pouvoir. Les maîtres savaient reconnaître les succès de ceux de leurs esclaves qui pratiquaient magie, guérison et désenvoûtement :
‘Southern conjurers have almost always been black, but their clientele has often been interracial. And white participants have not always come from the rural lower classes. 181 ’L’une des forces des superstitions d’origine africaine réside dans leur capacité à co-exister avec la religion chrétienne. Ainsi, l’émancipation puis l’exode d’une grande partie de la population afro-américaine vers les grandes villes du Nord n’a pas signifié la disparition de ces croyances. Au contraire, elles prolifèrent et deviennent la religion de citoyens américains libres (ce qui était déjà vrai, mais pour une population très restreinte, de noirs libres de la Nouvelle-Orléans et des environs).
E. D. Genovese,Roll, Jordan, Roll, 1976, p. 280.
E. D. Genovese,Roll, Jordan, Roll, p. 217.