Le New Age afro-américain et les mouvements créoles

Il existe cependant, mais sous des formes plus limitées, une forme de New Age d’expression afro-américaine. En effet, à l’opposé du racisme de Farrakhan au sein de « Nation of Islam », se situe le libéralisme et la « coalition arc-en-ciel » (« rainbow coalition », politique multi-ethnique) de Jesse Jackson. Les mouvements contemporains qui ressemblent le plus à une version afro-américaine du mouvement New Age se situent souvent dans cette lignée, et sont en général des expressions à tendance syncrétiste, influencées par les métissages des différentes cultures créoles, qu’elles soient des Etats-Unis ou des îles antillaises. Ces mouvements ont souvent leur centre névralgique dans les Etats du Sud (Nouvelle-Orléans, Louisiane, etc.).

Le mouvement Rastafarien, qui trouve ses origines en Jamaïque, puise largement dans un multiculturalisme syncrétique. Il puise à la fois dans la religion éthiopienne (dans laquelle il reconnaît des influences de la religion égyptienne, de la religion juive et du christianisme), dans les sermons et prédictions de Marcus Garvey, et dans des leaders charismatiques comme le chanteur reggae Bob Marley et l’Empereur d’Ethiopie Haile Selassie. Ce dernier est d’ailleurs considéré comme le dieu vivant, « Jah ». Une lecture littérale de la Bible dicte une pratique religieuse qui comprend des restrictions dans l’alimentation (certains aliments impurs, comme le porc, sont interdits), l’utilisation du cannabis comme drogue rituelle, et le port des cheveux longs en « dreadlocks ».

De même, un certain nombre de mouvements inspirés du Vaudou* (dans lesquels l’influence créole se fait également sentir) gagnent petit à petit en notoriété et en diffusion dans la société américaine. Les cultes Santeria*, Yoruba* et Palero* s’apparentent au Néo-Paganisme, mais ils puisent dans les traditions africaines, catholiques, amérindiennes et parfois asiatiques, au lieu des traditions celtes. Cette célébration du multiculturalisme, popularisée entre autres par L. Teish dans son ouvrage Jambalaya, 188 s’associe à une certaine méfiance envers les versions « blanches » du New Age, qui est parfois vu comme élitiste.

Le New Age présente donc un attrait limité pour les populations afro-américaines, qui tendront à se tourner vers des Nouveaux Mouvements Religieux qui leurs sont explicitement consacrés. Et inversement, les New Agers ne manifestent pas un engouement pour la culture africaine ou afro-américaine comparable à ce qui se manifeste envers la culture amérindienne. Toutefois, les participants du New Age se montrent critiques des attitudes des religions traditionnelles (qui, mis à part les Quakers, ont longtemps cautionné, voire justifié, l’esclavage) et désavouent ces religions en partie pour leurs positionnements et leurs implications historiques aux côtés des oppresseurs. La convergence entre le New Age et les mouvements afro-américains se fera plus par le biais du syncrétisme tel qu’il s’exprime dans la spiritualité créole.

Notes
188.

L. Teish, Jambalaya, 1985.