2. Immigrants latino-américaines

La principale motivation de la majorité des immigrants latino-américains demeure économique. Globalement issus de populations pauvres ou très pauvres, souvent clandestins, ils fournissent une main d’œuvre peu qualifiée, qui migre vers les États-Unis dans une quête d’amélioration de leur niveau de vie. Bien souvent, une véritable culture parallèle se forme, avec radios et chaînes de télévision entièrement en espagnol, en particulier dans certaines villes comme Miami (65,8% de personnes d’origine hispanique), ou Los Angeles (46,5% de personnes d’origine hispanique). Dans son ensemble, la culture hispanique aux États-Unis tisse peu de liens avec la culture des élites, sinon dans un effort d’assimilation, et par conséquent l’aspect élitiste du New Age ne présente que peu d’attraits pour les personnes d’origine hispanique.

Dès la deuxième moitié du XXème siècle, la pratique religieuse des immigrants mexicains est souvent considérée comme une prérogative autant qu’une responsabilité des femmes, et son expression se limite fréquemment au foyer, typiquement dans des icônes et des assemblages composites de manifestations de fidélité à l’idée de la nation mexicaine, du Catholicisme, et de patriotisme américain. En ce sens, elle remplit les mêmes fonctions que le New Age, il n’y a donc que très peu de transfert de l’une à l’autre.

Dans l’ensemble, les groupes d’immigrants venus des Caraïbes (Porto-Ricains, Cubains…) sont extrêmement pauvres, et proviennent des segments les moins éduqués, et souvent anti-cléricaux, de la population du pays d’origine, ce qui explique que très peu de membres du clergé immigrent avec eux. Pour toutes ces raisons, l’Église Catholique n’a joué qu’un rôle extrêmement limité dans leur acculturation. Par contre, ils auront plus tendance à s’identifier avec la culture du ghetto et avec la culture afro-américaine, et notamment certains aspects de la religiosité populaire comme le Vaudou*, déjà fortement présent aux Antilles.

Le New Age s’intéresse beaucoup à l’Amérique Latine en tant que lieu de pèlerinage (Pérou, Mexique sont deux hauts lieux, les vestiges des civilisations maya, aztèque et inca marquant l’imaginaire New Age), lieu de voyage imaginaire (dans les livres de Carlos Castaneda) ou même de stages et de séminaires (îles antillaises et Mexique), mais, comme dans l’exotisme, cet intérêt ne s’étend pas jusqu’aux populations elles-mêmes, encore moins si celles-ci sont présentes sur le sol américain en tant qu’immigrés. Si ces populations ont souvent des caractéristiques culturelles et ethniques objectivement semblables à celles des Amérindiens, ils n’ont pour ainsi dire pas été idéalisés, et leur religiosité n’a absolument pas le même attrait pour les membres du New Age que celle de la population indigène de l’espace américain contemporain. Pourtant, les immigrants issus de certaines tribus mexicaines sont très proches des Amérindiens du sud des Etats-Unis (faisant parfois partie d’une même tribu scindée en deux par la frontière).

Malgré l’accent mis sur la « fraternité » dans le mouvement New Age 194 , des préjugés raciaux persistent souvent parmi ses membres, et s’expriment envers les immigrants d’Amérique latine (dont les origines sont en partie africaines). La population d’origine hispanique est parfois stigmatisée par la barrière de la pauvreté, et son identification à la culture du ghetto. Son dynamisme démographique et culturel en fait plus un danger potentiel qu’une pièce de musée que l’on peut manipuler, idéaliser, et même « fétichiser » (comme le fait le New Age avec la culture amérindienne).

Notes
194.

Dans The Aquarian Conspiracy, (p. 411) M. Ferguson décrit ainsi la société idéale: “a society of autonomous people who have discovered the connectedness of all humanity, who are unafraid of alien ideas and alien cultures, who know that […] you cannot impose your brand of enlightenment on anyone else.” Dans The Spiral Dance, Starhawk affirme: “Over the last ten years, I've worked to build alliances between women of color and white women and have worked in groups with women and men of differing sexual preferences, class backgrounds, and life choices. I've learned that the viewpoints that arise from differing life situations are vital to complete our picture of reality, and the effort to include them, to take off our blinders and see through another's eyes, can be tremendously enriching.” (p. 19).