Ouverture des frontières dans les années 1960

En 1965, sous la présidence de Lyndon Johnson, le Congrès annula les lois de quotas nationaux, et ouvrit ainsi les frontières, permettant aux immigrants de certaines nationalités de s’établir et entraînant une plus libre circulation des idées. L’attrait des occultistes pour l’Orient et l’Inde qui s’accroissait depuis le milieu du XIXème siècle, trouvait de nouveaux enseignants et un accès plus direct à la spiritualité orientale. J. Melton retrace le lien direct entre la politique d’immigration et le développement de nouveaux mouvements :

‘ The growth of the so-called new religions (primarily the old religions of Asia newly arrived in the West) can be traced to the movement of Eastern teachers to take up residency in the United States beginning in 1965: ’ ‘1965 Swami Bhaktivedanta (ISKCON)’ ‘Sant Keshavadas (Temple of Cosmic Wisdom) ’ ‘Thera Bode Vinita (Buddhist Vihara Society)’ ‘1968 Yogi Bhajan (Sikh Dharma)’ ‘1969 Tarthang Tulku (Tibetan Nyingmapa) 1970 Swami Rama (Himalayan Institute)’ ‘1971 Swami Satchidananda (Integral Yoga Institute)’ ‘Gurudev Chitrabhanu (Meditation International Center) ’ ‘Maharaj Ji (Divine Light Mission)’ ‘1972 Sun Myung Moon (Unification Church)’ ‘ Vesant Paranipe (Fivefold Path). 200

Cependant, ce que l’on a parfois qualifié de « Guru Boom » (littéralement, « explosion des gourous ») n’est pas nécessairement un signe de mixage ethnique. En effet, si au sommet de la hiérarchie religieuse, les leaders charismatiques sont souvent d’origine asiatique, les participants sont le plus souvent des occidentaux. Les croyants asiatiques restent la plupart du temps isolés, regroupés par origine ethnique de manière consciente ou involontaire. English-Lueck remarque à ce sujet :

‘ Asian-American or Asian practitioners are only the tip of the iceberg. The overwhelming majority of the practitioners of traditional Asian medicine are Euro-American students who are two or three student generations removed from the original Asian therapist. 201

Certaines populations, par exemple les immigrants coréens, sont d’ores et déjà chrétiennes dans leur grande majorité. De plus, leur désir d’assimilation, associé à leur attrait pour un monde moderne et occidental (qui a souvent motivé leur immigration) ne les incite pas, bien au contraire, à se tourner vers ce qui représente pour eux une tradition obsolète.

Certains mouvements sont attractifs pour les immigrants de leur pays d’origine, mais pour des raisons bien différentes de celles qui les rendent intéressant aux yeux des Occidentaux. C’est le cas, par exemple, du mouvement pour la Conscience de Krishna. Les immigrants indiens y voient un temple Hindouiste où ils peuvent pratiquer leur culte traditionnel ; pour les Américains, il s’agit d’une religion exotique où les couleurs, les odeurs, les musiques et les goûts sont sollicités de manière nouvelle. Dans ce type de mouvement, les fidèles de différentes origines ethniques se côtoient souvent sans vraiment se rencontrer.

La variation dans la perception par les New Agers des différentes cultures issues de l’immigration est donc caractéristique du mode de fonctionnement du New Age en général. En effet, les points les plus saillants (culture asiatique, patrimoine de l’Amérique Latine, large inspiration du christianisme) sont exacerbés et mis en avant sans pour autant qu’il y ait de réelle démarche de rencontre inter-culturelle. Les éléments religieux (croyances, rituels, mode vestimentaire, idéologies) sont utilisés dans une recomposition hétéroclite qui n’implique pas la démarche vers l’autre. Le cosmopolitisme revendiqué par les membres du New Age se construit sur le mode de l’exotisme, et à ce titre, la rencontre espérée dans un pays lointain est délaissée sur le sol américain, alors que la présence d’immigrants la rendrait possible.

Notes
200.

J. G. Melton “How New Is New?”, p. 52

201.

J. A. English-Lueck, Health in the New Age: A Study of California Holistic Practices, 1990, p. 35.