Le concept de « melting pot » (creuset), dans sa formulation originelle, comporte un élément de nativisme, ou tout au moins un sentiment de supériorité de la culture anglo-saxonne. On peut en effet relier cette métaphore au thème de l’alchimiste, comme le fait S. Ahlstrom :
‘ Equally powerful as an integrating idea was the metaphor of the melting pot, the conception of the United States as a crucible in which the diverse base metals of the world would be marvelously transformed into pure Anglo-Saxon Protestant gold. 203 ’Cependant, la métaphore du « melting pot », outre ses aspects ethnocentriques, est également fallacieuse dans la mesure où elle n’a que brièvement et partiellement décrit la réalité : aux États-Unis, la plupart du temps les cultures coexistent sans se mélanger. De plus, au cours des années 1960, avec les revendications croissantes de populations stigmatisées, (les Afro-américains, les Amérindiens, les Hispaniques, les Asiatiques) pour l’acceptation de la différence, une tendance culturelle à la glorification de l’ethnicité émerge. Cette culture de la diversité et de la fierté ethnique gagne différents groupes d’origine européenne (Irlandais, Italiens, Polonais, Juifs, Orthodoxes, etc.). D’une revendication politique face à une situation inégalitaire, on passe à un mouvement culturel qui concerne principalement la classe moyenne en quête d’identité et en réaction à l’homogénéisation croissante – produit de la consommation culturelle de masse :
‘[E]thnic voting patterns were stronger in the second‑ and third‑generation immigrant than in the first, a clear sign that the impulse to assimilation was stronger in the original immigrants than in their progeny. […]’ ‘ Whatever underlying explanations there were for the new ethnicity, it was more a product of middle‑class intellectuals than a genuine grass‑roots reclamation or celebration of ethnic heritage. [The intellectuals] came of age as scholars just as the myth of the melting pot was losing its holding power; thus, it became legitimate, even trendy, to defend their ethnic backgrounds. […]’ ‘For many, ethnicity was a weekend indulgence, something to partake of through a ride into Little Italy from Long Island on Saturday, […] Ethnicity in this sense was another commodity to be enjoyed at one's convenience. 204 ’De nouveaux termes ont donc été proposés pour nommer un pluralisme culturel qui ne s’accompagne que rarement de rencontres réelles, comme le montrent très souvent les plans des grandes villes : quartiers mexicains, afro-américains, chinois, coréens, philippins, juifs, se juxtaposent mais ne se recoupent que très rarement. L’urbanisation post-moderne enferme chaque résident dans son « voisinage », sa routine géographique qui lui permet de traverser des univers totalement différents sans jamais devoir s’y arrêter. D. Massey et N. Denton décrivent un schéma résidentiel américain d’intense isolation raciale dans les années 1980, qu’ils qualifient d’ « hyperségrégation ».
‘When it comes to housing and residential patterns, therefore, race is the dominant organizing principle. No matter what their ethnic origin, economic status, social background, or personal charcteristics, African Americans continue to be denied full access to U.S. housing markets. Through a series of exclusionary tactics, realtors limit the likelihood of black entry into white neighborhoods and channel black demand for housing into areas that are within or near existing ghettos. 205 ’La ségrégation ouverte d’avant les années 1960 est devenue souterraine mais n’en demeure pas moins efficace, et les problématiques des ghettos se complexifient avec l’arrivée et le développement de nouvelles communautés ethniques.
S. Ahlstrom, A Religious History of the American People, p. 7.
D. Steigerwald, The Sixties and the End of Modern America, pp. 234-235.
D. Massey and N. Denton, American Apartheid : Segregation and the Making of the Underclass, 1993, p. 114.