1. Conservatisme politique, retour des traditions, et mouvement «  anti-secte »

Le contexte mondial des années 1980, en particulier la montée des intégrismes et des fondamentalismes de par le monde, créent un climat de méfiance à l’égard des religions, comme le note R. Wuthnow :

‘ Whereas religion has been widely regarded in the 1950s and 1960s as a bulwark against the potential disorder of industrial society, the situation changed dramatically and ironically in the 1980s. Religion has come to represent a source of disorder in a world increasingly dominated by advanced industrial societies. It is as if the allegedly benign logic of industrialism has turned malignant in its advanced forms. Accordingly, religion is coming to be seen as either a direct threat to the prevailing values, or a declining source of social integration. The direct threat is most clearly associated with fundamentalisms in all the major world religions, while the indirect challenge arises from the growing support for the philosophies underlying, for example, the feminist, ecological, anti-nuclear and psychotherapeutic movements or liberation theologies. 269

A deux décennies de libéralisation dans tous les domaines et d’euphorie, succèdent le premier choc pétrolier de 1973, et la crise économique des années 1980. Ce contexte mondial correspond aussi à une tendance nationale au conservatisme, avec l’élection du président Reagan en 1980, puis Bush en 1988, tendance qui culmine avec la Guerre du Golfe.

Les religions alternatives sont d’autant plus mal considérées, que l’expérimentation effrénée des deux décennies précédentes finit par lasser et par effrayer, en particulier dans les domaines sensibles du tissu social (le couple, la famille, les relations sexuelles) et des drogues, dont les effets dévastateurs sont de plus en plus souvent dénoncés. L’apparition du Sida rend ces attitudes plus prudentes encore, et provoque un retour en arrière, vers une réappropriation des traditions.

Les évangélistes de diverses traditions commencent d’ailleurs à se soucier de la spiritualité alternative, qui apparaît comme plus solide et plus durable que prévu. Ce que certains prenaient pour un simple « phénomène de mode » semble prendre une importance de moins en moins négligeable dans la société. De plus, cette spiritualité, qui dans les années 1960 et 1970 recrutait presque uniquement des jeunes, s’étend dorénavant à une classe d’âge mûr, de plus en plus souvent à des places stratégiques et/ou décisionnelles dans la société. R. Kyle note que les religions traditionnelles en viennent à se positionner face au New Age :

‘ The evangelicals also took notice of this new movement. They watched with concern the development of networks, the publication of New Age books, the rise of New Age music, and the sales of New Age paraphernalia. By the early eighties, the evangelicals began to take a critical stance against the New Age. 270

Un retour en force des valeurs traditionnelles, et plus particulièrement de la famille nucléaire, qui constitue malgré tout l’un des piliers de la société américaine, justifie les attaques très virulentes du mouvement « anti-secte » contre un grand nombre de nouveaux mouvements religieux. C’est souvent les défenseurs de la famille qui prennent la parole dans la lutte contre les « sectes » (terme parfois employé pour stigmatiser des groupes spirituels ne possédant pas les caractéristiques totalitaires des sectes), et la plupart des conflits mettent en jeu plusieurs générations.

Les procès des Nouveaux Mouvements Religieux se déclinent selon deux cas de figure typiques. Dans le premier cas, les parents d’un jeune « enrôlé » dans une nouvelle religion attestent que les méthodes utilisées s’apparentent au « lavage de cerveau » (« brainwashing ») et privent leur fils/fille de sa liberté. La valeur famille est le plus souvent touchée dans la mesure ou le converti a auparavant rompu les liens avec ses anciens amis et ses parents.

Dans le second cas, les parents du jeune converti ne s’inquiètent pas de sa nouvelle religion, jusqu’à la naissance d’un petit-enfant au sein du mouvement. C’est sur le sujet délicat de la socialisation d’un jeune enfant dans une religion alternative que le conflit éclate alors – et parfois, le différend surgit sur des questions de soins médicaux et de maltraitance physique ou morale.

Le mouvement « anti-secte » se fait donc de plus en plus agressif, embauchant souvent des « déprogrammateurs », et allant jusqu’à enlever et séquestrer les jeunes convertis jusqu’à ce que ceux-ci reviennent à la raison. Les affaires en justice se succèdent, que ce soit à l’initiative des parents « anti-secte », ou des mouvements.

Notes
269.

J. Beckford, Religion and advanced industrial society, p. 12.

270.

R. Kyle, The New Age Movement in American Culture, p. 65.