3. Écologie et développement des mouvements spirituels-environnementaux-féministes

Le souci de l’environnement prend de l’ampleur au cours des décennies précédentes : les années 1960 virent la naissance du mouvement écologiste, avec en particulier la publication de l’ouvrage de Rachel Carson, Silent Spring, (1962) qui attire l’attention nationale sur les problèmes de pollution des océans. Cependant, le mouvement écologiste reste un mouvement essentiellement politique dans les premiers temps. Certes, une partie des nouveaux mouvements religieux, notamment les « Néo-Païens » en font un élément central de leur théologie, de même que la communauté de Findhorn est fondée principalement sur la communication et la communion entre l’homme et la nature. Malgré tout, ce n’est que dans les années 1990 que ces éléments écologistes intègrent réellement le mouvement New Age dans son ensemble.

Ces orientations ont d’autant plus de succès lorsqu’elles font alliance avec des thématiques féministes. Oppression et domination de la nature sont perçues comme parallèles à celles des femmes. L’intersection entre ces deux éléments se matérialise dans la symbolique de la Déesse, qui combine une religion matriarcale, féministe et féminine à une préoccupation pour l’environnement. N. Finley décrit le cheminement d’un bon nombre de femmes vers la spiritualité de la Déesse :

‘ The Goddess aspect of Neo-Paganism was obviously attractive to modern feminists who discovered in their struggle for liberation that the existing organized religious systems had been the justification for their oppression. Rationalizations for the blockage of much of the women’s agenda, such as abortion, work roles, and so on, frequently came from religious arguments. As the religious components became harder to ignore, some women chose to challenge those interpretations by reforming the church. Others felt that reform of the Christian or Jewish patriarchal religions was too slow, or else they were simply alienated by the imagery of these religions (Goldenberg, 1979). New inventive alternatives arose. Assisted by newly uncovered historical and prehistorical cultural symbolism of feminist art, music, literature, history, and the like, these radical feminist religions blossomed into an entity of their own. 285

D’autre part, la Déesse est vue comme un symbole de fertilité, souvent associée à Déméter (ou d’autres déesses de la terre), et en conséquence inspire le respect de l’environnement. Un autre argument des éco-féministes, est que l’attitude occidentale d’exploitation agressive des ressources de la planète est une manifestation d’une culture patriarcale et oppressive. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la théorie de J. Lovelock, selon laquelle la planète serait un organisme vivant et autorégulateur, est communément nommée « hypothèse Gaïa* ».

Dans son ouvrage de pseudo-anthropologie New Age, The Alphabet Versus The Goddess, L Shlain relie oppression des femmes et domination de la nature à l’attitude patriarcale rationnelle de type « cerveau gauche » (encouragée, d’après lui, par le développement de l’alphabet). Il présente les trois dans une relation causale directe :

‘[…] every society that has acquired alphabet literacy has become violently self-destructive a short time afterward. This madness has been associated with a virulent misogyny and spelled trouble for images, women’s rights, goddesses, and right-brain values. 286

Ainsi, la religion de la déesse est également le retour d’une religion de l’émotion, qui dédaigne le rationalisme et l’intellect.

Dans les années 1990, ce sont donc de nouveaux thèmes qui émergent, et le New Age se révèle dans son adaptabilité à la nouveauté et à « l’air du temps ». Les New Agers s’intéressent à la nature et à l’écologie, dans une conception influencée par la relation au monde naturel des peuples indigènes de tous les continents. La figure du chaman est emblématique de ces développements, à la confluence de l’intérêt pour la nature, les civilisations autochtones, pour la thérapie, et les états de conscience altérés. Le mouvement se mondialise, se diffuse plus largement dans la société américaine, et perd son aspect millénariste. Plusieurs chercheurs sur le New Age diagnostiquent une extinction du mouvement, nous pensons cependant qu’il s’agit d’une étape de maturation.

Notes
285.

N. J. Finley, “Political Activism and Feminist Spirituality,” 1991, Sociological Analysis, p. 354.

286.

L. Shlain, The Alphabet Versus The Goddess; The conflict between word and image, 1998, p. 377.