3. Influence de l’éducation

Le niveau d’éducation est un autre élément qui joue un rôle controversé dans l’appartenance au New Age et/ou aux Nouveaux Mouvements Religieux. E. Barker, par exemple, note :« most of those who join the better-known of the present NRMs in the West come from the more privileged sections of society. […] They will have received a better than average education. » 315 Beaucoup d’autres auteurs font d’ailleurs une constatation similaire 316 . Ce phénomène s’explique par les mêmes facteurs qui entrent en jeu dans la composition sociale. On peut cependant y ajouter un élément : une éducation supérieure implique, au niveau intellectuel, plus de facilité à accepter des idées nouvelles et en rupture avec la tradition culturelle, ainsi qu’une moindre peur de l’inconnu. B. Wilson et K. Dobbelaere remarquent à cet effet :  

‘To be properly understood, the teachings [of most NRMs] demand literate intelligence, a willingness to study, and lack of fear in the face of unfamiliar concepts and language. 317

Un autre facteur a trait au contenu du New Age. Il s’agit souvent, dans la « nouvelle conscience », de travailler sur soi, de progresser, et donc d’apprendre ; ce qui suppose une certaine curiosité intellectuelle. P. Heelas relève : « There is a sense in which the entire New Age is ‘educational’, it being about people learning what they truly are. » 318

Ainsi, les découpages socio-culturels qui déterminent l’appartenance à une religion plutôt qu’une autre ont été transcendés, ou du moins modifiés : ce ne sont plus les mêmes marqueurs d’identité qui entrent en jeu lorsqu’il s’agit de choisir un groupe spirituel. L’un des facteurs clés de ce changement pourrait bien être l’importance croissante de l’éducation supérieure. En effet, au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, non seulement le pourcentage de la population américaine ayant une formation universitaire a augmenté de manière significative, mais le passage par l’université semble également de plus en plus déterminant dans l’orientation professionnelle, le niveau et le cadre de la vie adulte. R. Wuthnow remarque :

‘As with many such major transition, the new basis of support and power led to a significant new cleavage in social status between those who participated in it and those who did not – the college-educated sector and the non-college-educated sector. This cleavage, while embodying the cultural values associated with higher education for many decades, was nevertheless more than a matter of culture and cognition alone, determining among other things the type of occupation one was likely to obtain, where one would live, how different one might be from one’s forebears, and how one might feel about governmental programmes and social reforms. With respect to religion, these cleavages cut across traditional modes of denominational organization which had largely been constructed along regional and ethnic lines prior to the second world war. 319

Cependant, C. Ellison et D. Mears observent, dans leur étude des participants : « The wealthier and better educated are not more likely to purchase New Age materials. » 320 De même, les chercheurs qui avaient étudié les mouvements charismatiques et pentecostaux (« Jesus’ People », parfois considérés comme composants du New Age), sont parvenus à la conclusions que ceux-ci auraient également un appel plus grand pour des individus peu instruits et appartenant aux classes défavorisées 321 . Cette catégorisation peu coïncider par ailleurs avec ce que D. Hervieu-Léger nomme les « mouvements conversionnistes », susceptibles de recruter un public peu instruit (cf. infra, VI. B. 3.). Le New Age en tant qu’outil d’acquisition de pouvoir (et de produit de consommation) s’apparente donc aux mouvements conversionnistes, en ce que l’un comme l’autre se situent dans le registre de l’immédiat, de la gratification et de l’émotionnel.

Notes
315.

E. Barker, New Religious Movement, p. 14.

316.

Voir L. Dawson, Comprehending Cults; S. J. Palmer, Moon Sisters, Krishna Mothers, Rajneesh Lovers; P. Heelas, The New Age Movement.

317.

B. Wilson and K. Dobbelaere, Time to Chant: The Soka Gakkai Buddhists in Britain, 1994, p. 123.

318.

P. Heelas, The New Age Movement, p. 77.

319.

R. Wuthnow, “Religious movements and counter-movements in North America” (pp. 5-24) in J. Beckford, New Religious Movements and Rapid Social Change, pp. 23-24.

320.

C. Ellison and D. Mears, “Who Buys New Age Materials?” p. 6.

321.

Cf. par exemple M. C. Ernst, Le Mouvement religieux contreculturel.