Différents degrés d’implication

Ainsi, le New Age peut remplir différentes fonctions : il est parfois appréhendé de manière utilitariste et parfois de manière transcendante. M. Introvigne établit une distinction en trois niveaux en ce qui concerne l’ésotérisme et la magie : il distingue la pratique populaire, qui est de l’ordre de l’acquisition de pouvoir personnel, le « Mouvement », qui présente une structure et une forme de compromis entre intérêt personnel et vision transcendante, et enfin l’ésotérisme, qui relève plus d’un système philosophique désintéressé :

‘A un premier niveau - à l’étage supérieur de la maison magique - nous trouvons le ‘style de pensée’ ésotérique, que charrie toute une tradition européenne allant des écrits hermétiques à des auteurs comme Boehme ou Saint-Martin. […] L'ésotérisme est-il une forme de ‘magie’ ? Tout dépend de la définition de magie, mais il est certain que plusieurs éléments de la vision du monde magique se retrouvent aussi dans la démarche ésotérique, bien que celle-là soit plus sophistiquée d'un point de vue conceptuel.’ ‘[…] lorsqu’on aborde le rez-de-chaussée de la maison magique, où nous trouvons les boîtes et les cabinets de consultation des sorciers qui font payer un envoûtement, un contre-envoûtement, un horoscope, une prévision. Il semble évident que cette folk magic n'est pas la même chose que la tradition, même ‘maudite’, qui se rattache à l’ésotérisme classique; pourtant, la folk magic vit souvent des petits morceaux qui tombent des tables des banquets ésotériques qui se déroulent aux étages supérieurs.’ ‘Enfin, entre l’ésotérisme en tant que style de pensée et la folk magic se situent les groupes que j’ai proposé d'appeler ‘nouveaux mouvements magiques’ […]. A la différence de la folk magic ils ne sont pas éphémères, ils ont une organisation, une structure, parfois des sièges, des revues, des maisons d’éditions qui les font ressembler aux mouvements religieux : sauf que l’expérience qu’ils proposent n’est justement pas religieuse, mais plutôt magique. La structure est ici décisive pour distinguer les nouveaux mouvements magiques du monde de la folk magic. […] il est rare que les nouveaux mouvements magiques proposent à leurs adeptes un discours ésotérique complet. Mais il est vrai aussi qu’ils n’existeraient pas sans la tradition ésotérique, dont ils s’alimentent et qui leur sert de cadre de référence. Il est donc justifié - sous les réserves que nous avons indiquées - de parler d’un ‘courant magique’ général comme un champ large et ouvert à l’intérieur duquel il faut distinguer les trois cercles concentriques du style de pensée ésotérique, des nouveaux mouvements magiques et de la folk magic. 349

Cette vision de différents niveaux d’érudition et de désintéressement peut, semble-t-il, également être appliquée à d’autres aspects de la nouvelle spiritualité : le travail d’expansion de la conscience, qui se déclinerait en :

De même, le New Age sensu stricto se déclinerait en trois cercles concentriques :

Nous obtenons ainsi un tableau qui nous permet de croiser la classification de M. York avec la classification structurelle et ontologique de M. Introvigne :

Tableau 4 : Classification de Michael York et Massimo Introvigne
Tableau 4 : Classification de Michael York et Massimo Introvigne

En effet, dans chaque catégorie, seul « l’étage supérieur » propose une vision véritablement unifiée et globale ; cependant que les différents mouvements choisissent de mettre l’accent sur l’un ou l’autre des aspects. Les traditions populaires qui constituent le « rez-de-chaussée » se contentent de puiser de manière éclectique et arbitraire des éléments qui peuvent s’intégrer dans une dynamique culturelle de « bricolage ».

Cela explique également que le New Age puisse aisément se combiner avec d’autres religions. En effet, il ne demande pas l’exclusivité (sauf dans le cas de Nouveaux Mouvements Religieux), se présentant alternativement comme une philosophie ou comme un ensemble d’outils conceptuels. Seul ce même niveau propose une socialisation ; en cela il est seul à s’apparenter à une religion à part entière.

Le positionnement du New Age dans le contexte religieux est donc pluriel. Pour les uns (consommateurs), le New Age est une sécularisation, une vulgarisation de la religion, qui s’opère en particulier par la relation de consommation et qui relègue la religiosité au rang de produit visant à procurer un bien-être (holistique, à savoir physique, psychologique et spirituel). Pour les utilisateurs, la spiritualité alternative s’apparente plus au retour d’une religiosité populaire dont la visée est fonctionnelle ; cependant que les acteurs procèdent à une recomposition de la religiosité, à la fois moins autoritaire et dogmatique, plus diffuse et plus englobante.

Notes
349.

M. Introvigne, « Les courants magiques traditionnels et les nouveaux mouvements religieux », 8e colloque international de l'institut de droit et d'histoire canonique,15 avril 1994.