Si la vision du monde des New Agers varie d’une catégorie à l’autre, certains éléments sont remarquablement constants. Le savoir, dans ce mouvement comme dans tout système théologique, est détenu par les praticiens – qui constituent l’équivalent d’un clergé. Quand bien même le système dans sa globalité ne serait qu’imparfaitement compris des participants ordinaires, la validité théorique du mouvement n’en serait pas amoindrie pour autant, comme l’illustre Mircea Eliade :
‘Le fait que la sorcière brûle une poupée de cire pourvue d’une mèche de cheveux de sa « victime » sans se rendre compte d’une façon satisfaisante de la théorie supposée par cet acte magique n’est d’aucune importance pour l’intelligence de la magie sympathique. Ce qui est important pour comprendre cette magie, c’est de savoir qu’un tel acte n’a été possible que du moment où certains individus se sont convaincus (par voie expérimentale) ou ont affirmé (par voie théorique) que les ongles, les cheveux ou les objets portés par un être humain conservent des rapports intimes avec celui-ci après leur séparation. Une telle croyance suppose l’existence d’un « espace-réseau » reliant les objets les plus éloignés, les reliant à l’aide d’une sympathie dirigée par des lois spécifiques (la coexistence organique, l’analogie formelle ou symbolique, les symétries fonctionnelles). Le sorcier (celui qui agit en magicien) ne peut croire à l’efficacité de son action que dans la mesure où un tel « espace-réseau » existe. Qu’il connaisse ou non cet « espace-réseau », qu’il ait ou non connaissance de la « sympathie » qui relie les cheveux à l’individu, ce fait n’a aucune importance. […] [C]onsidérées en elles-mêmes, ces pratiques peuvent nous révéler le monde d’où elles viennent, même si les usagers n’y accèdent pas théoriquement. L’univers mental des mondes archaïques nous est parvenu non pas dialectiquement dans les croyances explicites des individus, mais conservé dans des mythes, symboles, coutumes qui, malgré toutes sortes de dégradations, laissent voir encore clairement leur sens originaire. 350 ’M. Eliade, Traité d’histoire des religions, 1970, pp. 22-23.