La vision du mythe

Le mythe structure l’identité dans le New Age de manière personnalisée. Les notions de véracité, de littéralité et d’exactitude sont reléguées au second plan, cependant que se déroule un processus de réappropriation et réinvention du mythe. Il existe un consensus sur l’intérêt de la mythologie. En tant qu’outils, le mythe, l’archétype, et la parabole se présentent comme des instruments du New Age par excellence : ils puisent dans des traditions millénaires et universelles, pour offrir des enseignements sur l’humain et parfois amorcer un processus de guérison, sur un mode créatif, imagé, imaginaire et occasionnellement divertissant. Au cours des entretiens, cependant, nous avons cependant pu constater que l’enthousiasme suscité par le mot cache parfois une forme de malaise et d’inconfort par rapport à la mythologie classique, par exemple. Plusieurs des personnes interviewées admettent ne pas utiliser, ou ne pas apprécier, ou ne pas comprendre (ou tout cela en même temps) les mythes classiques. L’effort d’empathie demandé par des histoires complexes et antiques s’avère souvent trop important par rapport à la gratification immédiate limitée que l’on en retire.

Donc, la valeur de divertissement des mythes se révèle primer sur leurs qualités intrinsèques, ce qui se traduit par l’utilisation de mythes plus récents ou reformulés, et plus accessibles. Cependant, la plupart des personnes qui prennent leurs distances avec la mythologie, élaborent une autre partie de leur discours autour de « vérités » communément acceptées dans le New Age, qui ne sont, au regard de la science, qu’un nouvel ensemble mythologique. Par exemple, l’anatomie, science du corps, est réinventée dans le New Age (identification des chakras*, de l’aura*, des nadhis*, palmologie réflexive* et alignement des vibrations), de même que la médecine (utilisation thérapeutique des cristaux). L’histoire de l’Atlantide, de Lémurie, des Grandes Pyramides témoins de présence extraterrestre est généralement perçue comme vraie, jusqu’à constituer une quasi-doctrine. Néanmoins, les détenteurs de ces vérités n’imposent pas leur vision ni leurs lumières à autrui. Ils considèrent que la vérité demeure essentiellement relative, et qu’elle s’offre à l’individu qui est prêt à la recevoir.

Le New Age affirme que « chacun créé sa propre réalité », et dans ce contexte, la confiance que place l’individu dans la méthode ou les outils employés devient aussi importante que l’efficacité « objective » de cette méthode (efficacité que le relativisme du New Age tend à estimer comme inconnaissable). Quel que soit le pouvoir intrinsèque d’un archétype ou d’une métaphore, il s’agit dans le New Age de se comporter comme si le mythe était vrai et de lui conférer ainsi une force accrue. On assiste dans le même temps à un passage à des mythes plus individualisés, et plus conscients (le participant identifie la fonction psychologique recherchée, et la désire). Ils jouent différents rôles : acquisition de pouvoir (mythe de la Déesse pour les femmes) ; légitimation (mythe de la continuité entre la sorcellerie du Moyen-Age et celle du mouvement Wicca* 357 , par exemple) ; structuration de la personnalité et de l’âme. Les mythes ayant cette dernière fonction se présentent souvent comme des récits initiatiques, aux composantes récurrentes, de la quête, de l’initiation, de la révélation, de la croissance de l’individu au travers des épreuves.

Notes
357.

cf. K. Rees, “The Tangled Skein: the role of Myth in Paganism,” in C. Hardman, G. Harvey (eds.), Paganism Today, 1996, p. 26.