Les images dans le New Age

Malgré la diversité de la nouvelle spiritualité, les images qu’elle propose restent remarquablement semblables. L’arc-en-ciel, l’aura*, le corps devenu translucide, sont quelques exemples d’images (mentales ou graphiques) que l’on retrouve systématiquement, d’un mouvement à l’autre. L’expérience mystique ressentie par le narrateur dans Way of the Peaceful Warrior rassemble beaucoup de ces images :

‘In a flash, I was back to my mortal form, floating among the stars. I saw a prism shaped like a human heart, which dwarfed every galaxy. It diffracted the light of consciousness into an explosion of radiant colors, sparkling splinters of every rainbow hue, spreading through the cosmos.’ ‘My own body became a radiant prism, throwing splinters of multi-colored light everywhere. And it came to me that the highest purpose of the human body is to become a clear channel for this light – so that its brightness can dissolve all obstructions, all knots, all resistance. 462

Parmi l’imagerie employée de manière récurrente dans le New Age, la lumière et toutes ses manifestations occupent une place de choix, et généralement comporte une allusion au sens figuré (lumière divine, lumière de l’esprit). L’omniprésence de ces représentations est en lien direct avec l’optimisme du mouvement (qu’en anglais on qualifie souvent de « all-light vision »). Le vocabulaire semi-scientifique est souvent utilisé, dans une formulation « poétisée », (le prisme, le cosmos, les galaxies, en sont des exemples particulièrement fréquents, de même que la vision anatomique du corps).

Dans cette symbolique imagée du New Age, tout participe et se recoupe, en particulier l’Orient et l’Occident se mêlent dans une unité préfigurée par le mouvement Théosophique. Ce syncrétisme occidental (qui demeure l’un des grands objectifs de la modernité occidentale) s’exprime très clairement dans l’une des œuvres de D. Chopra : The Return of Merlin. 463 En effet, la possibilité même qu’un Hindou, d’origine indienne et qui fonde toute sa médecine sur les traditions ayurvédiques, puisse écrire un roman dans la lignée de la culture druidique des légendes de la Table Ronde, indique que les frontières entre les grandes traditions spirituelles se sont fluidifiées.

Les images New Age se posent donc en tant qu’emblème du monisme de la « nouvelle conscience ». Elles ont par ailleurs pour fonction de renforcer les valeurs de la modernité, en particulier au niveau de l’apparence. Bien que la dichotomie corps/esprit soit prétendument répudiée, et avec elle le corps comme lieu de la culpabilité, reste que la beauté, la jeunesse, la santé – en un mot, l’apparence – se posent dans le New Age comme de véritables valeurs. M. J. Ferreux remarque à ce sujet :

‘De toutes façons dans le New Age, la beauté extérieure est le reflet de l’âme, elle montre l’état d’évolution de la personne […].D’où l’idée que «ce qui est beau est bon». 464

Ainsi, le message de la « nouvelle conscience » ne fait que renforcer ce dont elle aurait voulu nous libérer : la culpabilité liée à un corps qui ne correspondrait pas au « modèle » que proposent magasines et le monde de la mode. Dans les catalogues New Age, crèmes amincissantes, raffermissantes, et nouvelles méthodes « 100% naturelles » de grossissement de la poitrine côtoient cristaux et tarots divinatoires 465 . La frustration ressentie lorsque l’on ne correspond pas aux critères esthétiques de la société se double de culpabilité, car l’apparence est aussi témoin de mauvaises actions dans les vies passées :

‘Dans le New Age, nous avons le corps que nous méritons, sous entendu, la beauté comme récompense de la vie passée, signe que l’on n’a rien de grave à se reprocher, alors que la laideur ou l’infirmité est le signe de nos mauvaises actions. 466

L’on peut également remarquer que si le New Age emprunte les outils de communication modernes de la publicité, en contrepartie la publicité utilise les thèmes de la « nouvelle conscience ». Comme le souligne J. Harrison, le New Age et la spiritualité en général font vendre :

‘Some advertising uses traditional religious as a fodder for lighthearted mini-dramas, such as the “Chevrolet Confessions” and “Got Milk?” campaigns. Other ads use spiritual themes to create or recreate memories, sensations, or emotions that are experiential in nature. These ads cue feeling that marketers want us to connect with their products. 467

Cette trajectoire classique, cette circulation des images d’un groupe marginal jusqu’à être utilisé par le marketing destiné au grand public, indique toutefois la présence de cette esthétique dans le social.

Notes
462.

D. Millman, Way of the Peaceful Warrior, pp. 85-86.

463.

D. Chopra, The Return of Merlin, 1995.

464.

M. J. Ferreux, Sociologie des imaginaires et pratiques du New Age, pp. 160.

465.

Catalogue de vente par correspondance Whole Life Products, voir annexe IV.4.

466.

M. J. Ferreux, Sociologie des imaginaires et pratiques du New Age, p. 162.

467.

J. Harrison, “Advertising Joins the Journey of the Soul,” p. 26.