Du salut de l’âme au produit de consommation

Le corporel permet ainsi de glisser du spirituel au commercial, processus fort bien illustré dans le Centre Deepak Chopra, par exemple, mais également dans les services de « spas » (« cures » qui ressemblent souvent à des salons de beauté). Le pouvoir d’achat des membres de cette catégorie fait du New Age un marché lucratif. L’intérêt croissant que lui prêtent les milieux des affaires et du commerce implique que la nouvelle conscience, en retour, se soumet peu à peu aux lois du marché. Ce cheminement est par ailleurs validé par le regain de valeur accordée à la matérialité (cf. supra, Chapitre V. B. 1.). En effet, l’attitude contreculturelle qui consistait à décrier la société de consommation s’efface, dans le même temps que la relation d’acheteur à produit gagne de plus en plus d’aspects de la spiritualité, entraînant une trivialisation du spirituel.

L’attitude de la contreculture envers la consommation était empreinte d’une méfiance profonde, et pour deux raisons : d’une part la consommation s’avérait néfaste pour l’environnement et le monde, et d’autre part elle ne semblait même plus apte à rendre heureux, amenant au contraire un tourbillon de désirs sans fin. De ce double constat, les Nouveaux Mouvements Religieux ont tiré un enseignement, et tenté de bâtir une idéologie, mais aussi des pratiques, qui libèrent les participants du besoin maladif de consommer diagnostiqué dans la société des pays développés.

Cependant, dans le même temps une multitude de mouvements, groupes et associations proposant du religieux et du spirituel se sont créés, mettant fin à l’hégémonie des religions traditionnelles. Alors qu’auparavant chaque Américain naissait dans une religion – religion qui, si elle était remise en question par la suite, était remplacée par une secte aux idées relativement proche – aujourd’hui le mode d’appartenance ainsi que le mode de sélection d’une religion a changé.

Le New Ager est passé à un mode sélectif, où il est confronté à une multitude de possibilités religieuses, toutes ayant à ses yeux une valeur équivalente, et doit choisir ce qui convient le mieux à sa personnalité. Le religieux doit pour survivre se vendre et se « marketer » comme un produit. Il existe d’ailleurs un certain nombre de « New Age Directories », ouvrages qui recensent et présentent côte à côte tous les produits et mouvements New Age. A San Diego, l’on trouve dans toutes les librairies du New Age le Répertoire des ressources holistiques, qui rassemble, selon les éditeurs, « plus de 200 personnes, produits et services disponibles pour vous ». 477 Cet annuaire ne dénombre que trois groupes dans la catégorie « Churches », cependant il compte 13 « New Thought Churches », 6 « Religious Science Practitionners », 4 prestataires de « spiritual counseling », et un prestataire de « Spiritual Development ». 478 C’est cependant la première année qu’un tel ouvrage existe, ce qui laisse à penser qu’il est donc bien en dessous de la réalité. Il ne cite d’ailleurs ni le Chopra Center, ni l’ISKCON.

Ainsi, dans ce processus mercantile, tout se consomme et se monnaye, tout a un prix. Le Chopra Center illustre bien se phénomène : il vend de tout à tous les prix : méditation de groupe gratuite à certaines heures, savon, autocollant « I love angels », ou café pour moins de trois dollars, jusqu’au prix moyen d’un stage de trois jours (hébergement et repas non compris) : 1700 dollars.

Notes
477.

The Wholistic Source Directory, year 2000, p. 4.

478.

Ibid., pp. 15, 42, 52.