Le New Age fonctionne donc comme le « supermarché du religieux » (dans un mode qui se répand à nombre d’autres domaines, en sorte qu’on pourrait dire qu’il s’agit là d’une forme de l’américanité), où l’on picore à tous les rayons, bricole et assemble afin de créer un système signifiant pour chaque individu. Ainsi, le Fireweed Eagle Clan réunit féminisme, religion amérindienne, principes chrétiens, et formes de sagesse orientale. Cette forme supermarché a permis la survie, et parfois l’apparition, de certains Nouveaux Mouvements Religieux dans un contexte où les valeurs américaines regagnent du terrain. Le Chopra Center, créé en 1996, se situe dans cet élan de retour à la consommation, d’autant plus qu’il entretient des liens très resserrés avec le monde du show-business. D. Chopra a une clientèle à Hollywood, et fonde sa popularité sur les émissions télévisées dans lesquelles il intervient.
L’ISKCON a traversé des périodes difficiles tant au niveau financier que du recrutement. Une des stratégies qui a permis à l’organisation de sortir de l’impasse, a été de développer la branche commerciale (vente d’encens, de savons, de produits de beauté, de vêtements, de coloriages et de jeux pour enfants), ainsi que de s’ouvrir à des croyants moins impliqués, membres ou visiteurs, qui adoptent une attitude de « clients ».
En effet, il est maintenant possible d’être membre de l’ISKCON sans pour autant habiter près du temple, en travaillant à l’extérieur, et même parfois si l’on ne partage pas toutes les croyances du mouvement. Un certain nombre de personnes gravitent autour du temple, comme par exemple les familles d’immigrants indiens qui l’utilisent en tant que lieu de culte, et qui participent à sa survie financière par leurs donations 479 . De même, l’ISKCON propose des repas végétariens à prix modique sur les campus et dans le temple. Un certain public vient donc y manger et y discuter, avant d’aller prier ou danser dans un autre mouvement.
Cette attitude consumériste, qui aurait sans doute scandalisé les premiers adeptes, est largement acceptée. Chris, dévote de Krishna depuis vingt-cinq ans, explique sa position :
‘Everybody’s on different levels of spiritual life. So I don’t think anybody is really going to use Krishna. But I think people can only understand, what they will understand. People take what they can. It’s great that they want to add Krishna to their lives. If all they can take is soap, good for them. If they can take more, of course it’s better. But not everybody is ready to come and live in the Temple and devote their whole life to Krishna. 480 ’Le comportement de consommateur est également observable dans la forte mobilité et fluidité des mouvements. En effet, le très fort taux d’abandon, constaté par tous les observateurs 481 , signale un intérêt profond limité : les quêteurs spirituels se considèrent comme des acheteurs potentiels, qui essaient et testent des produits, comparent les rapports qualité-prix, avant de prendre leur décision.
Cf. J. Rochford, Hare Krishna in America, pp. 267-268
Entretien avec Chris, 01-05-2000.
F. Bird and W. Reimer “Participation Rates in New Religious and Parareligious Movements,” (pp. 215-238) in E. Barker (ed.) Of Gods and Men, G. Melton, The Encyclopedic Handbook of Cults in America, entre autres.