Une phase transitoire ?

L’utilisation du New Age comme un outil semble parfois être un mode transitoire, étant donné que cela correspond pour des jeunes à une période difficile de leur vie, souvent entre la fin des études et l’entrée dans la vie active. Le New Age leur fournit alors des revenus de substitution, et leur permet de se créer un cercle social et professionnel. Les professions de la nouvelle conscience semblent particulièrement appropriées dans la mesure où elles ne demandent souvent qu’un investissement matériel minimum – sauf pour ce qui est de la formation – et où elles offrent reconnaissance et gratification sociale, dans la perspective d’atteindre un niveau de vie élevé en touchant une clientèle riche et nombreuse.

Deux des personnes interviewées semblent correspondre à ce schéma : des jeunes femmes d’une vingtaine d’années qui gagnent leur vie grâce au New Age : Kestrel est instructrice dans la méthode Pilates, Carola est masseuse. Leurs activités leur fournissent des revenus suffisants, mais surtout un espoir d’enrichissement grâce à leur clientèle aisée. Leur niveau d’éducation et le statut social de leurs familles les rattacheraient plutôt à la catégorie des « acteurs » ; cependant l’incertitude de leur situation actuelle, ainsi que leur conception du monde les identifient à la catégorie des « utilisateurs » : croyances très éclectiques, syncrétisme prononcé, goût pour l’occulte et les explications « spirituelles » des choses, absence de discrimination voire de discernement.

Pour ces jeunes, l’ « utilisation » du New Age est temporaire : si leur engagement dans la nouvelle conscience perdure, à terme leur statut socio-économique ainsi que leurs préoccupations sont voués à se modifier, en sorte qu’ils deviendront des praticiens (« acteurs » du New Age) ; si leur « plan de carrière » échoue, notamment sous la pression du passage dans la vie active, ces personnes se réorienteront vers des professions plus classiques.

Le New Age représente une filière prospère, mais qui ne tient pas toujours ses promesses : les praticiens plus âgés ont la plupart du temps des revenus stables, mais modestes. Pour certains, le New Age semble proposer une source de revenus faciles. Par exemple, au cours d’une séance de présentation de l’auto-hypnose* à « The Institute of Thought », Judith, une femme d’âge mûr se présente ainsi :

‘I wanted to start a practice in massage, but it takes they say about 1000 hours of massage before you can actually open up your own business… and err… I kind of was looking for err… something that wouldn’t take as long, cause… like, I don’t see myself going in for that long of taking classes.’

Ce qui fonctionne au niveau des praticiens est également vrai pour les simples participants. En effet, le New Age promet l’accès à la richesse matérielle grâce au travail de l’énergie, il explique, donne du sens, et propose de trouver une solution aux situations difficiles (telles que le chômage, la maladie, le handicap). Sa croyance dans la capacité d’évolution absolue de l’homme en font une religion de l’espoir pour les personnes les plus défavorisées. C. Ellison et D. Mears notent à ce sujet : « persons who are unemployed, disabled, or laid off are more likely to purchase New Age materials ». 500

Il semble cependant qu’il ne soit pas si aisé de faire fortune grâce au New Age, et ce en dépit de l’image popularisée par quelques-uns des porte-parole les plus célèbres (Deepak Chopra, par exemple). En effet, pour les praticiens la réussite demeure conditionnée à un véritable talent et un travail de qualité (qui permet d’acquérir une certaine renommée grâce au bouche-à-oreille), ou à un solide sens des affaires et du commerce. La « sélection naturelle » joue d’autant plus que les candidats sont nombreux. En effet, ces professions combinent pour les New Agers le succès matériel, spirituel et social.

Pour d’autres membres de la nouvelle spiritualité, le New Age permet d’accéder à des formes de connaissance et d’expression culturelle qui leur seraient habituellement inaccessibles. Deidre, par exemple, n’aurait sans doute eu ni les ressources, ni l’idée de se tourner vers le monde de l’art et de la peinture en particulier, si elle n’avait pas été autant impliquée dans la communauté New Age de San Diego, où elle officie comme clairvoyante.

Notes
500.

C. Ellison et D. Mears, “Who Buys New Age Materials?”, p. 6.