Le rôle des Nouveaux Mouvements Religieux

Dans ce contexte de quête de contrôle et de pouvoir sur sa propre vie, il est important de noter que les Nouveaux Mouvements Religieux peuvent parfois devenir un instrument d’égalité, une chance de survie et une opportunité d’accéder à la culture et à l’éducation. C’est le cas dans deux entretiens.

Leila est âgée d’une quarantaine d’année. Membre du mouvement Subud* depuis plus de 10 ans, elle a occupé au temple de San Diego une position importante pendant des années. Immigrée du Canada, elle n’a pas la nationalité américaine et lutte au quotidien pour pouvoir résider aux Etats-Unis. Le temple de Subud lui a fourni pendant des années un logement bon marché, ainsi qu’un emploi stable et une source de revenus.

Dans son parcours éclectique, marqué par des difficultés familiales et psychologiques (gestion de la colère, grande affectivité), elle a trouvé au sein du Subud un point d’ancrage ainsi que des pratiques qui lui permettent de gérer au jour le jour ses émotions. Leila fréquente aussi des églises spiritualistes* et unitariennes*, et suit les préceptes d’un des ouvrages clés du New Age, The Urantia Book, qu’elle étudie depuis sa jeunesse. Ainsi, sans qu’elle ait dû fournir un engagement total ou irréversible, le temple de Subud lui a prodigué un équilibre affectif et une certaine stabilité économique.

Bianca a 17 ans, elle est membre de l’ISCKON depuis quelques années. Son investissement s’est effectué de manière progressive (tout d’abord présente pour des repas, des heures de méditation, elle fait aujourd’hui partie de la communauté). D’origine hispanique, sa mère (célibataire) vit dans le quartier pauvre de San Diego. L’ISCKON est pour elle une occasion unique de faire des études (le mouvement finance quatre années d’université) et d’aller à l’étranger. Elle déclare cependant ne pas s’investir sur le long terme dans le mouvement, et se sentir parfaitement libre de passer à autre chose quand le moment sera venu : « Right now, this just happens to be the best thing for me ».

Face à cet exposé quelque peu idyllique, il est prudent de se demander dans quelle mesure ce schéma est représentatif de l’ISCKON, et ce d’autant plus que l’on m’a orienté vers elle lorsque je me présentai en tant qu’universitaire conduisant une recherche sur le sujet : « She’s the one who answers this kind of questions ». Ce type de parcours n’est peut-être à peine plus qu’une façade, une sorte de « bonne conscience » pour le mouvement controversé qu’est l’ISCKON, accusé à plusieurs reprises de stratégies de recrutement manipulatoires auprès de personnes faibles. Cependant, les interviews menées auprès d’autres personnes du mouvement, ainsi que les monographies produites par d’autres chercheurs 501 semblent confirmer que, si ce mouvement a pu avoir des tendances « sectaires » 502 à une époque, celles-ci ont été limitées dans le temps et à des cas isolés.

Notes
501.

S. Palmer, Moon Sisters, Krishna Mothers, Rajneesh Lovers, 1994, E. Rochford, Hare Krishna in America, 1985, G. Johnson, “The Hare Krishna in San Francisco”, in R. Bellah & C. Glock, The New Religious Consciousness, 1976, J. Judah, “The Hare Krishna Movement”, in M. Leone & I. Zaretsky, Religious Movements in Contemporary America, 1974.

502.

Outre le mode de recrutement parfois dénoncé comme manipulateur, les adeptes du mouvement doivent faire don de tous leurs biens au mouvement, quitter leur famille pour venir partager la vie de la communauté, et rompre leurs liens avec leurs amis qui ne font pas partie du mouvement. Le mode de vie est également en rupture radicale avec la société américaine (pas de télévision ni de cinéma, alimentation végétarienne stricte, etc.). Toutefois, si ce schéma était appliqué à la lettre pendant les premières décennies, il est à l’heure actuelle beaucoup plus souple et nombre des décisions qui étaient imposées sont aujourd’hui laissées à la discrétion de chaque participant.