Carolyn

Toute la vie spirituelle de Carolyn découle d’un viol dont elle a été victime à l’âge de 11 ans : « that was the start of my spirit’s loss of innocence and struggle to know if there was any meaning to things ». La prise de conscience de ce viol vint seulement à l’âge de 38 ans, au cours d’une thérapie. Au cours de son adolescence, elle considère qu’elle fut « un produit des années soixante », une hippie, qui expérimente avec les drogues, ce qui a pour effet d’ouvrir sa conscience (bien qu’elle ne recommanderait à personne d’en passer par là).

Carolyn se qualifie de « seeker », suit les séminaires de est* et du Polarity Institute, puis travaille sur l’énergétique des couleurs et la thérapie par les couleurs. C’est à la même époque qu’elle découvre des livres marquants, notamment les œuvres de Jim Roberts et de C. Jung. La religion traditionnelle n’a jamais joué de rôle important dans sa vie, son père était lui-même détaché de la religion et sa mère avait « son Dieu personnel qui avait le sens de l’humour ». Malgré cela, elle fréquente durant son enfance l’Eglise catholique dont elle adore les rituels, mais elle a le sentiment que l’essentiel n’est pas là pour elle. C’est pour cela qu’elle se jette à corps perdu dans l’expérimentation adolescente, la drogue, mais aussi les voyages. Un voyage de 13 mois en Amérique du Sud joue un grand rôle dans son développement spirituel. Globalement, elle affirme que les périodes clés dans son évolution spirituelle correspondent à des périodes de crise, et que c’est au travers de la souffrance qu’elle arrive à se construire.

Sa rencontre avec le Fireweed Eagle Clan s’est produite lors d’un « Woman Quest Event », où l’organisatrice avait fait intervenir deux personnes sur la spiritualité amérindienne. Dans le Clan, elle trouve pour la première fois de sa vie une réelle fraternité, qui s’enrichit des différences de chacune. Elle apprécie également la façon qu’a le Clan de générer de l’énergie.

Carolyn vit au sud de Del Mar, son jardin donne sur l’un des derniers marais de cette partie de la côte. Ce type d’écosystème est menacé par les industriels comme par les promoteurs immobiliers. Carolyn considère son lieu de vie à la fois comme un cadeau inestimable et comme une responsabilité équivalente. Elle consacre donc sa vie à la protection de ce lieu, ainsi qu’à l’art (sculpture).

Ces parcours de vie de trois « acteurs » du New Age sont caractéristiques à plus d’un titre. Plus qu’aucune autre, le New Age en tant que « pratique » est constitué essentiellement de femmes, pour la plupart âgées de plus de 40 ans. En cela, elle correspond assez précisément aux descriptions du mouvement que l’on peut trouver dans la plupart des sources secondaires. Beaucoup des participantes ont donc été – plus ou moins – impliquées dans le mouvement féministe ; deux tiers des personnes interviewées racontent avoir vécu une relation problématique aux hommes, que cela se traduise par des violences conjugales, un viol, une homosexualité refoulée…

Ces femmes sont d’ailleurs généralement disposées à se confier et à parler de la place de la douleur dans leur vie et dans la construction de leur identité. C’est là une caractéristique de la vision de soi dans le New Age. En effet, la souffrance et la maladie sont perçues comme des combats ou défis structurants la personnalité. Le mythe du Phoenix qui renaît de ses cendres, permet de trouver un sens lors de telles épreuves, et chaque événement, y compris la maladie, est porteur d’un message. C’est à la personne atteinte de décrypter la signification de ce qui lui arrive, d’y trouver une indication de développement. L’accident, la maladie, deviennent des cadeaux, et la personne n’est plus victime (situation à proscrire) mais acteur de sa vie. L. Amaral décrit cette relation particulière à la souffrance :

‘The attempt in New Age experiences is to suppress not the "suffering" but the "illness", that which acts as the counter-metaphor of this discovery; that is, the situation in which the person loses himself or herself. Suffering is not to be suppressed; on the contrary, it should be sought for and experienced - made into life. 514

La souffrance n’est cependant qu’un des éléments structurateurs, et l’objectif pour les membres de cette catégorie demeure l’accomplissement de soi à tous les niveaux, il s’agit d’être « une personne complète » (« a whole person »). Certes, il s’agit d’un objectif ambitieux, puisque ne doit être négligé ni le plan physique (beauté, santé, force, souplesse), intellectuel, politique (la plupart de ces femmes appartiennent à une réelle tradition d’activisme social et/ou féministe), familial, spirituel, artistique. A ce sujet, l’importance de l’art pour les membres du New Age est frappante. Le personnage de l’artiste rassemble toutes les qualités fondamentales du New Age : sensibilité, créativité, contemplation du monde, union avec l’univers et le divin, liberté, style de vie bohême. 9 des 22 personnes interviewées, déclarent avoir une activité artistique (la peinture étant la plus courante).

Notes
514.

L. Amaral, “The Summoning of Happiness: on the tragic aspects of the New Age rituals of cure” 2001 International Conference in London -- CESNUR website.