Il existe différentes mesures du New Age qui correspondent à des modes de participation distincts :
- la religion New Age qui se manifeste par des églises ou congrégations,
- les produits New Age (cours, stages, consultations, artefacts), qui font l’objet de transactions commerciales,
- la culture New Age (lecture de magazines ou de livres, radio, télévision).
Si les deux premiers aspects sont identifiables grâce aux annuaires en ligne des services et commerces New Age (« New Age Directories »), le troisième est beaucoup plus difficile à repérer. L’implantation de librairies New Age ont par exemple perdu de leur signification dans la mesure où les librairies en ligne rencontrent un succès grandissant, et la plupart des librairies grand public sont très fournies en livres New Age. Pour ce qui est de la télévision et des émissions radios, il est également très difficile d’estimer la répartition par Etat.
R. Stark, dans The Future of Religion, 530 a tenté d’analyser la répartition géographique des Nouveaux Mouvements Religieux au sein des Etats-Unis. Il s’est pour cela appuyé sur le travail de J. G. Melton de recensement des sièges des mouvements par Etat, observation numérique tempérée au regard du poids démographique de chaque Etat. Une forte densité géographique correspondra à l’implantation de plusieurs mouvements, et à plus forte raison les sièges sociaux tendront à être localisés dans des Etats urbains et peuplés. Les observations de R. Stark, lorsqu’il croise les données démographiques et la répartition des Nouveaux Mouvements Religieux, font apparaître la répartition suivante :
(source : R. Stark)
Ainsi, les cinq états les plus prisés des Nouveaux Mouvements Religieux se situent tous dans le quart sud-ouest des Etats-Unis, une répartition qui coïncide avec les explications des New Agers : le mouvement se développerait mieux dans certains lieux propices à la spiritualité en général, et aux Etats-Unis ces régions seraient marquées par la présence de réserves et de sites archéologiques amérindiens.
(source : R. Stark)
Nous avons tenté d’effectuer une analyse similaire, en nous appuyant sur les « New Age Directories » que l’on peut trouver sur Internet 531 , que nous avons complétés par un certain nombre d’églises fréquentées par les New Agers (Penser Nouveau, Spiritualiste*, Unitarienne*, Science Religieuse). Les résultats obtenus s’écartent nettement de l’évaluation de R. Stark. L’Etat le plus « New Age », et de loin, serait le Vermont, suivi ensuite par le Colorado, Hawaï et le Maine. La Californie n’arrive qu’en 10ème place, après l’Arizona (9ème) et le Nouveau Mexique (5ème). Quant au Nevada, il est relégué à la 17ème place. Le tableau suivant présente les dix premiers Etats.
Ces dix Etats pionniers du New Age semblent se répartir en réalité en deux régions : la Nouvelle Angleterre (Vermont, Maine, Rhode Island, New Hampshire) et l’ouest dans son acceptation la plus large (Colorado, Hawaï, Nouveau Mexique, Alaska, Arizona et Californie). Les disparités d’un Etat à l’autre, parfois même entre Etats voisins (et appartenant à la même aire culturelle) est frappante.
Toutefois, il faut garder présent à l’esprit que les Etats très urbanisés (Delaware, New Jersey, New York), tout comme les Etats très peuplés (Texas, Floride, Californie) ne sont pas nécessairement de bons indicateurs d’une tendance locale. Le découpage en Etat isole parfois une ville de sa périphérie, et les grands Etats très densément peuplés peuvent cacher des régions avec des dynamiques différentes. L’Etat de New York regroupe par exemple des populations très différentes : rurale et fermière d’une part, urbanisée, mixte et dense d’autre part. Cette même situation se retrouve dans le cas de l’Illinois (avec la ville de Chicago), et dans une moindre mesure dans grand nombre d’autres Etats : Californie, Texas, Massachussetts, Pennsylvanie, etc. Le cas du Vermont peut s’expliquer, quant à lui, de par sa proximité avec le Canada et en particulier la ville de Montréal, ville dont l’activité spirituelle contreculturelle est comparable à celle de San Francisco. Montpelier, capitale du Vermont, est en effet quasiment la banlieue de Montréal. Ceci, associé à la faible population de l’Etat (613 090 habitants), peut donner un élément explicatif de ce taux exceptionnel.
Si nous tentons de regrouper des Etats voisins en ensembles régionaux cohérents, nous obtenons deux pôles du New Age, l’un sur la côte pacifique, et l’autre au Nord-Est. La zone pacifique s’organise en deux parties, nord-montagne d’une part (Alaska, Washington, Oregon, Idaho, Wyoming, Montana, Nevada, Utah et Colorado) et sud d’autre part (Californie, Nouveau Mexique, Arizona et Hawaï). A l’est, la Nouvelle Angleterre (Vermont, Maine, New York, Connecticut, Delaware, Massachussetts, Rhode Island et New Hampshire), assume un rôle de leader, suivie par la région des grands lacs (Michigan, Minnesota, Wisconsin et Ohio) et la côte atlantique (Maryland, New Jersey, Pennsylvanie, Caroline du Nord et Virgnie). Nous ferons donc l’hypothèse que l’implantation du New Age est motivée par différents facteurs. A l’est, le mouvement attire une population urbaine, cultivée, et peu mobilisée par les Eglises traditionnelles. Certaines Eglises alternatives historiques (Quakers, Unitariens) y ont par contre une influence affirmée, créant donc un climat qui relie religion, humanisme, et contestation. A l’ouest, les Etats à forte densité New Age sont marqués par l’importance de populations autochtones (pour Hawaï, l’Alaska, le Nouveau Mexique et l’Arizona dont la population indigène est supérieure à 5%) ou par un schéma de forte croissance et importante immigration, notamment hispanique (Colorado et Californie). Comme dans l’analyse de R. Stark, la Floride constitue une exception par rapport aux Etats voisins, avec un taux de services, commerces et églises New Age relativement élevé par rapport aux autres Etats du sud, ce qui s’explique par une différence culturelle et économique (par certains aspects, la Floride ressemble plus à la Californie qu’aux Etats du sud).
En dernier lieu, nous avons tenté de comparer les opinions politiques et l’implantation du New Age. Nous nous sommes appuyés pour ce faire, sur les résultats de l’élection présidentielle de 2000 (voir infra, tableau 12) . Parmi les Etats où la présence du New Age est la plus forte, à peu près la moitié a voté démocrate et l’autre républicain. Cependant, parmi les 20 Etats les plus conservateurs (plus de 52% des suffrages pour G. W. Bush), seuls 4 Etats (Alaska, Idaho, Montana, et Wyoming) ont une forte présence New Age (plus de 20 par million d’habitants). D’autre part, parmi les 20 Etats les moins conservateurs (moins de 48,10% des suffrages pour le candidat républicain), nous pouvons recenser 13 Etats ayant une implantation New Age supérieure à 20 par million d’habitants. Globalement, les régions Pacifique Sud, des Grands Lacs, Atlantique et de la Nouvelle Angleterre sont plutôt démocrates, alors que la région Pacifique nord – montagne s’avère nettement républicaine. Enfin, les Etats du Sud et du Centre sont presque tous Républicains. Le lien le plus fiable entre préférence politique et présence du New Age demeure toutefois les suffrages du troisième candidat, R. Nader, du parti vert. Sur les 15 Etats ayant accordé plus de 3,7% des voix à R. Nader, seuls l’Utah et le Minnesota comptent moins de 20 commerces, services ou églises New Age par million d’habitants. Inversement, seuls 3 Etats (Idaho, Delaware et Arizona) avec une forte implantation New Age (> à 25 p. 1.000.000 hab.) ont donné moins de 3% des suffrages au candidat vert. Si nous ne pouvons accepter la croyance populaire que le New Age s’implante uniquement dans des Etats libéraux, force est de constater qu’il s’acclimate mal dans les endroits très conservateurs, et que religiosité alternative et vote à sensibilité écologique vont généralement de pair ; on peut voir également dans ce vote une tentative de contestation, ou du moins de sortir du « mainstream ». En cela, la Californie représente assez bien l’état New Age « classique » : modérément démocrate (53,45% des voix pour Gore, contre 41,65% pour Bush) avec une minorité significative pour le candidat vert (3,82%).
Les différences entre notre étude et celle de R. Stark s’expliquent par plusieurs facteurs : tout d’abord, l’évolution historique. The Future of Religion date de1985, et la cartographie de la religiosité alternative a évolué de manière très dynamique au cours des 15 dernières années. Ensuite, l’objet à proprement parler diffère. R. Stark s’intéressait aux Nouveaux Mouvements Religieux et non pas au New Age, il identifiait l’implantation des sièges des mouvements alors que nous observons les commerces, services et églises. En somme, la première étude relève plus d’une participation de type « client » alors que la nôtre tente d’avoir une vision de certaines pratiques de consommation et d’audience.
R. Stark, The Future of Religion, p. 191.
Si la qualité et le sérieux de ces annuaires varient, la comparaison entre diverses sources nous a cependant permis d’identifier le site Internet le plus complet, « New Age Directory » :
http://www.newagedirectory.com/dir/state.htm