Enfin, l’importance des immigrants – depuis les Frères catholiques jusqu’aux migrations contemporaines, en passant par les chercheurs d’or et les familles venues du Midwest – dans la construction d’une identité californienne, n’est pas sans lien avec la notion d’anomie décrite par E. Durkheim (et la notion de « désinstitutionnalisation » élaborée par P. Hammond, cf. supra, même chapitre, A. 2.). Au « déracinement » géographique de la population, s’ajoutent les effets de la transition rapide et efficace vers la modernité (bureaucratisation et automatisation), qui génèrent un sentiment de désorientation et d’aliénation. Cela se traduit au niveau culturel par ce que J. Burfoot nomme le « Triple Processus » : différenciation – désenchantement – aliénation. 559 En Californie, il n’y a pas de systèmes culturels traditionnels, ni de structures sociales dominantes. La plupart des habitants n’ont pas de racines locales, ce qui se traduit par une forme d’indépendance et de liberté sociale, mais aussi un sentiment d’anomie. La religion des parents et la vie de la paroisse (vie religieuse locale) perdent de leur force. En réaction, des tentatives de création d’une identité californienne se structurent autour d’une certaine perception des particularités de l’Etat. Ce que l’on a pu nommer « gospel of unity » s’appuie sur des personnages symboliques, comme John Muir, pour associer la Californie et une religiosité mystique basée sur la communion avec la nature.
L’anomie est également un facteur déstructurant, qui ouvre la porte à de nombreuses religiosités marginales ou non-conformistes qui vont par ailleurs proposer des solutions « miracles » ou « clés en mains » aux problèmes éthiques et existentiels qui revêtent une acuité particulière. La tension religieuse et/ou spirituelle ne se traduit pas par un investissement dans les églises traditionnelles.
J. Burfoot, “The Fun-Seeking Movement in California,” p. 161.