Le New Age tisse des rapports ambivalents avec la modernité. Certains courants en font un mouvement rétrograde, tourné vers un passé mythique dans une vision nostalgique ; des auteurs comme J. Vernette ou J. G. Melton mettent l’accent sur les liens avec le passé, la rhétorique de l’âge d’or, l’engouement pour les traditions et les coutumes, et un refus du principe de réalité. D’autres tendances au sein de la nouvelle conscience sont au contraire tournées vers l’avenir, dans une dynamique à la pointe de la modernité, qui réussit la fusion de la science, de la science-fiction, de la magie et de la spiritualité 567 . Enfin, certains auteurs 568 proposent le concept de post-modernité pour définir les relations complexes qui s’établissent entre le mouvement et la pensée moderne. Ici encore, la pluralité des expressions du New Age est source de confusion, et un examen approfondi des groupes permet de voir les variations, les spécificités, voire les contradictions internes qui créent cette image ambivalente. Nous allons donc étudier tour à tour les trois tendances présentes dans le New Age – tendances parfois contradictoires et mutuellement exclusives – , et déterminer le mode d’organisation qui permet la coexistence de dynamiques aussi différentes et opposées.
Nous nous appuierons pour cette réflexion sur une définition de l’ensemble des valeurs de la modernité telles qu’elles sont développées aux XVIIIème et XIXème siècles : la puissance libératrice et pacificatrice de la « Raison » des Lumières, le rôle missionnaire de la science, la croyance au Progrès (c’est-à-dire, que le progrès scientifique et technique était voué à engendrer le progrès moral). La modernité est donc l’application de la raison à tous les domaines de la vie, ce qui se traduit par une dynamique de pragmatisme, d’individualisme, de sécularisation, et le développement de la technologie. Nous utilisons donc ce que A. Touraine qualifie de modernité « identifiée à la rationalisation, ou, plus poétiquement, au désenchantement du monde », et en cela, réductrice :
‘Il faut […] tirer les leçons des critiques antimodernistes à la fin d'un siècle qui fut dominé par tant de « progressismes » répressifs ou même totalitaires, mais aussi par une société de consommation qui se consume dans un présent de plus en plus bref, indifférente aux dégâts du progrès dans la société et dans la nature. […] Le triomphe de la modernité rationaliste a rejeté, oublié ou enfermé dans des institutions répressives tout ce qui semblait résister au triomphe de la raison. 569 ’Tendances décrites par D. J. Hess ou par J. Zaleski, par exemple.
P. Heelas, L. Dawson ou J. Ellwood, par exemple.
A. Touraine, Critique de la modernité, P. 259.