2. Une rationalisation qui s’applique au matérialisme comme au magique

Comme nous l’avons vu plus haut, le New Age fait usage des modes de pensée rationnels et utilitaristes. Sa particularité est qu’il applique ces fonctionnements à de plus en plus de domaines. Le spirituel même en vient à être régi comme un produit parmi d’autres, le processus de réalisation de soi est analysé en termes d’efficacité et de rendement, l’intuition est enseignée et codifiée. Si le religieux, le magique et le merveilleux sont considérés comme des produits, se développe à leur égard une attitude de consommation, ainsi qu’une rationalisation de la chaîne de production, une libéralisation du marché qui entraîne stratégies de marketing, loi de l’offre et de la demande, et finalement une trivialisation du transcendant. Exposée sur les rayons des magasins sous forme de livres, d’objets sacrés (ou pseudo-sacrés), de sortilèges et d’outils magiques, la spiritualité du New Age est apparentée au loisir et entre en compétition avec d’autres « passe-temps ».

Par ailleurs, le langage de la science est utilisé dans le New Age pour décrire des éléments estimés transcendants. Par exemple, au sein même des mouvements environnementalistes qui affirment vouloir s’extraire du « tout économique », nous retrouvons l’utilisation du langage économiste-financier pour décrire la situation de l’environnement :

‘Our economies are engaged in a disguised form of deficit financing: processes such as deforestation and overpumping of groundwater inflate current output at the expense of long‑term productivity. In sector after sector, we violate fundamental principles of environmental sustainability. Relying on an incomplete accounting system, one that does not measure the destruction of natural capital associated with gains in economic output, we deplete our productive assets, satisfying our needs today at the expense of our children. 604

De même, certains auteurs n’hésitent pas à comparer l’homme (valeur suprême au sein du New Age) à l’ordinateur (emblème de la science par excellence) :

‘According to the Kabbalah, God wears a multitude of masks, clothing itself in divine images that we can apprehend with our finite minds. When we think of God as a father or mother, for example, these root metaphors create an interactivity between the divine and our human consciousness. The interface creates a vessel in which the transcendent can pour itself. Actually, it works a bit like a modem. A modem takes computer bits and translates them into sound, modulates them, sends them down into the telephone, and then demodulates them at the other end. ("Modem" means modulate, then demodulate.) My interface with God serves as a modem, creating the possibility of communication between the timeless and time. 605

Ainsi, l’humain, dans sa dimension la plus sacrée, à savoir sa relation au divin, est apparenté à une machine. Cela illustre un double mouvement de trivialisation du transcendant, et d’élévation des machines (notamment l’ordinateur, dont la complexité, le fait qu’il soit le vecteur de l’Internet, et l’omniprésence, font l’outil moderne le plus chargé de promesses et le plus sujet à mythification).

Notes
604.

L. R. Brown, C. Flavin, S. Postel, Saving the Planet: How to shape an environmentally sustainable global economy, 1991, pp. 28-29.

605.

Z. Schachter-Shalomi, R. Miller, From Age-ing to Sage-ing, pp. 146-147.