A. La relation à la Nature : variété des conceptions et des comportements

Il existe dans le New Age un véritable consensus sur l’importance de la Nature, qui se décline en différentes cosmologies et pratiques. Au cœur des divergences entre les conceptions, le dualisme classique Nature-Progrès s’oppose à l’hégémonie revendiquée du monisme dans la philosophie de la nouvelle conscience. La perception de la « nature » au sein du New Age est influencée par la spécificité de la perception américaine, et en particulier le concept de « wilderness » (nature sauvage et intouchée par l’homme). La question de l’anthropocentrisme est également centrale et détermine le positionnement par rapport aux religions traditionnelles, la place de l’homme dans la chaîne du vivant, et la place du divin dans les manifestations naturelles. Enfin, l’importance de la nature pour les New Agers peut donner lieu – mais pas nécessairement – à un investissement politique d’ordre écologiste.

Si le terme « nature » peut sembler inadapté, parce que l’élargissement historique de sa définition lui fait perdre sa validité sémantique, il demeure central dans la pratique, et notamment dans le discours du New Age. La polysémie du terme, tout comme son inclusivité totale (« nature » désigne l’ensemble du monde physique) en font un élément transcendant, qui prétend à une dimension sacrée. Dans le New Age, la nature s’oppose à « l’artificiel » (créé de la main de l’homme), à l’outil, aussi primitif soit-il, et ainsi à la notion de technologie. Par extension, la nature est ce que l’on trouve en milieu extérieur (« outdoors »), hors du cadre urbain et domestiqué, ce qui n’est pas produit par l’homme. Dans la conception américaine, le terme de « nature sauvage » (« wilderness »), permet une nuance supplémentaire : il désigne ce qui n’est pas altéré par l’homme, les espaces naturels hors du domestiqué et du cultivé qui, de surcroît, n’ont pas été influencés par l’action humaine. Cette notion est souvent utilisée de manière fallacieuse, en ce qu’elle désigne des sites (notamment sur le territoire américain, les Parcs Naturels) façonnés de très longue date par la main de l’homme. Enfin, la nature s’oppose à la culture, et dans cette acception les New Agers reconnaissent qu’il y a une part de naturel en l’homme, qui serait l’aspect le plus animal, le plus instinctif. L’un des développements de cette interprétation, est qu’il existe une hiérarchie des cultures de la plus naturelle (cultures indigènes) à la plus éloignée de la nature (culture des pays développés). La perte du lien aux éléments naturels est notamment caractéristique de ces cultures artificielles.

Dans la littérature du New Age, une place importante est faite à l’hypothèse de Gaïa*. Selon J. Lovelock, auteur du concept, la planète serait un organisme vivant, qu’il appelle « Gaïa ». Toutes les formes de vie sont interconnectées et participent d’un même organisme complexe, composé de cellules (minéraux, plantes, animaux) et d’organes (systèmes écologiques). Comme pour tout organisme, son bon fonctionnement dépend d’un maintien de l’équilibre entre les différents organes. De plus, l’entité Gaïa tend à l’auto-régulation, ce qui permet d’expliquer la survie de la planète et de la vie terrestre aux bouleversements climatiques que sont les glaciations, mais aussi aux catastrophes naturelles de grande envergure, et le maintien d’une température et d’une atmosphère qui permettent le développement de la vie végétale et animale. Dans ce contexte, l’humanité est perçue, soit comme l’ultime développement (système nerveux de la planète), soit un parasite, une maladie dégénérescente, un cancer qui se répand et détruit son propre organisme. Cette conception permet d’envisager diverses manières de remédier aux déséquilibres qui menacent Gaïa, « acupuncture planétaire » (cristaux placés dans des sites stratégiques, cf supra, V. A. 1.), ou actions énergétiques positives (la pratique qui consiste à « embrasser les arbres », ou « tree-hugging », est caractéristique de cette logique de restauration de l’harmonie).