L’anthropocentrisme des religions traditionnelles place l’homme au sommet de la hiérarchie du règne animal, alors que dans le New Age la relation avec les animaux est beaucoup plus imprécise et variable. La centralité de l’homme est maintenue, mais les limites entre l’humain et l’animal sont reconsidérées au regard de nouvelles « lois de l’univers » : le karma* et la possibilité de la métempsycose, l’existence des « spirit-guides » qui s’incarnent parfois sous les traits d’animaux familiers. La vision holiste du monde se refuse à dissocier le bien-être humain de l’harmonie universelle.
Dans le New Age des utilisateurs, l’accent est mis sur la personnification de la planète en tant que Nature-Mère nourricière, qui se met au service de ses enfants. La relation avec la nature est un outil d’acquisition de pouvoir et de puissance. De même, la relation avec les animaux est aussi régie par une logique utilitariste et anthropocentrique, ils sont considérés pour ce qu’ils peuvent apporter en termes de spiritualité et de pouvoir. Pour marginale qu’elle soit, la pratique du sacrifice des animaux n’en éclaire pas moins la vision du monde fondamentale : l’intérêt humain est placé avant l’intérêt animal, et les avantages et inconvénients sont pesés sur un mode utilitariste, où chaque action, fut-elle symbolique ou rituelle, a une conséquence réelle sur une situation donnée. L. Teish explique et justifie les sacrifices d’animaux dans la tradition vaudou* :
‘In the rituals of the LaVeau women, the black cat became a primary sacrificial animal. […]’ ‘I know that right now some of you cat lovers (and I'm one) are just about in tears. You are looking at your precious little kitty and saying, "How could they hurt such a creature?" But the rituals using the black cat were designed to stop wrongful executions and to effect dramatic cures for human beings.’ ‘So I put the question to you: If your mother, sister, lover, or daughter were about to die of cancer, commit suicide, or be wrongfully sentenced to life in prison and your only hope of affecting change was the sacrifice of your precious little kitty, would you have the heart and the guts to try it? Or would you sacrifice your human loved one on the attar of your fear and philosophy?’ ‘I personally would sacrifice an animal, but it is not for everyone. It is done because human beings commit acts of self-hatred and aggression that throw us out of balance with the natural scheme of the Mother. I should like to see "scapegoating" come to an end in all forms. We should all stop allowing others to take the blame for our wrongdoings and shortcomings . But since we are slow in moving toward that balance (and I fear swift in moving away from it), a few things must be said at this point. 660 ’Dans le New Age - outil et le New Age - produit, apparaît une nouvelle hiérarchie, liée non pas à la complexité du vivant (de l’invertébré, au reptile, au mammifère, etc.), mais au poids accordé par le système théologique. S’inspirant de la superstition, de la science, des traditions de différentes cultures, le New Age recompose un panthéon des animaux, où chacun d’eux occupe une place définie, parfois sacrée, plus rarement maléfique. S’il n’est plus permis de jeter l’anathème sur une espèce, la place privilégiée qu’occupent, par exemple, les dauphins, les colombes, ou les chats, témoigne d’une inégalité entre espèces qui perdure.
Le New Age est aussi une nouvelle ère pour les animaux, et en particulier pour les New Agers consommateurs qui font bénéficier leurs animaux domestiques des possibilités de confort et de guérison holistique qu’offre le New Age. D’une part, des pratiques favorisant l’harmonie globale sont appliquées dans tous les domaines (l’homéopathie et les médecines douces se substituent aux antibiotiques, tout comme les engrais chimiques sont remplacés par des engrais naturels). D’autre part, les liens forts qui unissent les humains à certains de leurs compagnons sont légitimés, et l’attention portée à ces derniers est décuplée. On constate ainsi l’apparition de nouveaux services de soins New Age pour animaux : vétérinaires holistiques, ostéopathes pour animaux, « horse-whisperers » et dresseurs d’une nouvelle génération.
Une telle attention dispensée aux animaux pose la question plus générale de la place de l’animal dans le New Age, en particulier la relation de servitude imposée dans l’agriculture. Toutefois, peu d’auteurs s’aventurent jusqu’à proposer des alternatives concrètes dans ce domaine, la plupart se contentent d’imaginer un futur utopique sur le mode du jardin d’Eden, où les fruits de la nature seraient à portée de main des hommes. Une telle vision s’accommode d’autant mieux des pratiques végétariennes, que celles-ci permettent d’éviter le conflit direct des intérêts humains et animaux. Par ailleurs, une partie des New Agers s’implique également dans des association de défense des droits des animaux. Pour eux, la relation homme-animal ne doit plus s’organiser de manière verticale et hiérarchique, mais horizontale et égalitaire. Cette conception se trouve rapidement confrontée à la question de la limite : si les êtres vivants sont tous égaux, qu’en est-il des insectes, des organismes mono-cellulaires, des microbes ou des bactéries ? Ont-il droit au respect et à la vie ? Certains courants hindous ne préconisent-ils pas de respirer au travers d’un voile pour éviter d’avaler des insectes par mégarde ? Et l’intervention médicale, sur les cancers, par exemple, ne sont-elles pas condamnables en ce qu’elles détruisent des cellules vivantes (cancéreuses) ayant tout autant que les autres cellules droit à la vie ? Ces questionnements quelque peu extrémistes ne sont que rarement abordés dans le New Age, même s’ils sous-tendent certaines affirmations péremptoires souvent formulées, et en cela le New Age se situe dans une dynamique d’adptabilité. Une attitude classique est de s’inspirer des cultures indigènes : l’acte de donner la mort à l’animal est acceptable parce qu’inclus dans une vision du monde basée sur l’harmonie et l’équilibre, et parce qu’il y a prise de conscience (parfois matérialisée sous forme de cérémonie, de prière, ou de révérence mentale) du don de la vie pour nourrir d’autres vies.
L. Teish, Jambalaya, pp. 179-180.