Le New Age des consommateurs et des utilisateurs parvient à mettre l’homme au même plan (dans une relation d’égalité) que la nature, non pas du fait d’un nivellement par le bas (en replaçant l’homme au rang de tous les êtres vivants) ou par l’abstraction, mais par l’élévation du vivant par personnification. Les éléments, les lieux, les végétaux et les êtres vivants, sont revêtus d’intentions et de modes d’actions occultes, à l’image de Gaïa. Les liens de causalité sont bouleversés par des relations subtiles qu’on ne peut que deviner ou « pressentir ».
La personnification de la Nature s’apparente à l’animisme. Les catastrophes naturelles étaient autrefois interprétées comme des punitions divines, dans le New Age ces « signes » requièrent attention et une nouvelle interprétation. Toutes sortes d’événements, notamment naturels, sont revêtus de sens. Dans le contexte écologique, changements climatiques, cyclones, raz-de-marée, sécheresses, vus comme des dérèglements de la planète, signifient à l’homme des « mauvaises » actions au regard de la morale environnementale.
‘There are problems in reading moral meaning and divine will into events in “nature.” We would not wish to see in every flood, drought, volcanic eruption, and tornado the work of divine judgement. But when destructive floods rush down the Himalayan mountains, carrying all before them into the Pakistan delta, or drought sears African lands, we are right to recognize the consequences of human misuse of the land, stripping the forest cover that held back the torrential rains, and over-grazing the semi-arid African soils.’ ‘In these disasters today we have to recognize a consequence of human culpability and a call to rectify how we use the land and how we relate to the indigenous people who depend on these lands. 661 ’Il s’agit là de causalité « scientifique », en tous cas physique, recouverte d’une « morale ». Le New Age fait indifféremment appel au panthéisme, à l’animisme, au totémisme, et à la personnification. Ces différentes approches du divin permettent de sortir d’une relation de domination avec la nature, pour établir une relation d’égal à égal et de respect sur un mode figuratif et imagé. Le New Age reconnaît en effet le penchant de l’homme à se sentir supérieur, en particulier face à l’« objet » qu’est la nature, et n’hésite donc pas à la « personnifier » d’une manière ou d’une autre pour déconstruire ce sentiment de supériorité. Il s’agit d’une stratégies qui permet de vulgariser des concepts a priori inaccessibles.
L’impératif moral du mouvement écologiste, à savoir : « il est du devoir, de la responsabilité de chaque individu et de l’humanité de préserver son environnement et de le restituer à ses descendants, au minium, dans l’état où il lui a été confié » 662 s’inscrit effectivement dans une vision du monde anthropocentrique qui place l’homme en gardien des ressources naturelles. Dans le même temps, une vision uni-dimensionnelle ne permet pas de prendre en considération les évolutions de l’environnement indépendantes de la volonté humaine. L’impératif de préservation du milieu naturel à l’identique est à la fois illusoire en raison de l’évolution perpétuelle des écosystèmes et de l’équilibre planétaire ; nostalgique, l’état des choses originel, ou celui présent à la naissance de chaque génération, serait l’idéal à perpétuer ; et prétentieux, dans la mesure où l’évolution planétaire à long terme – climatique entre autres, avec l’exemple des glaciations – est dans une large mesure indépendante de la volonté humaine.
R. Radford Ruether, “Deep Ecology, Ecofeminism and the Bible”, in in D. L. Barnhill, R. Gottlieb, Deep Ecology and World Religions, p. 234.
B. Clémentin, V.Cheynet, « La décroissance soutenable », Silence, No 280, Oct. 2003, p. 5.