Mondialisation

Le mouvement de « mondialisation », à savoir d’appropriation de la terre par l’homme, a sans doute commencé 100 000 à 300 000 ans avant notre ère avec les premières migrations humaines. Les premières religions monothéistes et les empires ont souvent eu une vision universaliste. C’est au cours des grandes découvertes du XVème siècle et des guerres napoléoniennes (début du XIXème siècle) que s’ébauchent les premiers liens s’étendant à toute la terre ; et au XIXème siècle s’opère le grand désenclavement planétaire. Les actions conjuguées de la révolution industrielle, la révolution des transports, la révolution démographique permettent le développement des empires coloniaux, et les deux guerres mondiales marquent l’avènement d’une scène géopolitique mondiale unifiée. P. Moreau-Defarges définit ainsi le phénomène de mondialisation :

‘La mondialisation résulte de l’européanisation du monde […], cette formidable expansion de nations européennes conquérant la Terre et contraignant l’humanité entière à se redéfinir sous le choc de la modernité occidentale. [L]a mondialisation n’est porteuse d’aucun sens de l’histoire ; il s’agit seulement de l’explosion des flux […]. Face à cette augmentation et diversification massive des flux, les acteurs de la mondialisation […] – individus, entreprises, Etats – se heurtent à des dilemmes classiques, mais ces derniers sont durcis, métamorphosés par leur ampleur nouvelle. D’où les conflits de la mondialisation […], qui reformulent des conflits anciens mais aussi mettent en scène les contradictions de l’humanité prise dans un destin concret commun. La mondialisation appelle donc la quête de normes universelles. 740

Parmi les conflits de la mondialisation, les conflits économiques et environnementaux sont les plus préoccupants pour les membres du New Age. Au niveau économique, le volume des transactions internationales augmente, et le marché mondial voit diminuer l’indépendance et le contrôle des nations sur ces échanges 741 . Cette évolution implique une délocalisation des entreprises, ce qui constitue un apport pour les pays en voie de développement, mais les conditions de travail offertes s’apparentent souvent à de l’exploitation, et la délocalisation bénéficie aux entreprises bien plus qu’aux populations. Sur le plan pratique, la libéralisation du marché s’effectue de manière univoque : les pays riches fixent les termes du libre-échange aux pays pauvres, mais sans les respecter pour autant. Par exemple les Etats-Unis demeurent très protectionnistes mais ne supportent pas que les pays d’Amérique Latine fassent de même. Au niveau agroalimentaire, les agriculteurs des pays pauvres sont poussés à cultiver de manière extensive des cultures qui ne permettent pas la subsistance (le café, le cacao ou le tabac), et dans les périodes de crise économique sont confrontés à la famine. La mondialisation est aussi un phénomène qui se manifeste au niveau de la communication : la télévision par satellite, et Internet contribuent à faire du monde un « village global », où l’information circule de manière quasi-instantanée. Le développement des transports et la diminution de leur coût contribue également au sentiment de proximité. En conséquence, idées et cultures se diffusent très rapidement, les marchés du sens (publicité, marketing) se mondialisent également et se dessine une tendance à l’uniformisation, à l’homogénéisation culturelle.

Les forces contestataires, réformatrices et révolutionnaires identifient de nouveaux « démons », et se structurent en conséquence. Pour les mouvements alter-mondialistes (et les New Agers se sentent souvent proches de ce mode de pensée), la mondialisation est désignée comme source de tous les maux, notamment au regard de son potentiel de déshumanisation et d’aliénation. Les principaux fléaux sont les suivants :

- l’emprise du système monétaire au détriment de l’humain, traduit par les consignes du FMI (qui font passer le PIB et le degré d’endettement avant l’alphabétisation ou les campagnes humanitaires) ;

- des empires médiatiques plus ou moins corrompus et plus ou moins intéressés contrôlent la diffusion d’informations ;

- les deux facettes du même problème que sont d’une part la faim dans le monde et d’autre part la « malbouffe » (relation dénaturée à la nourriture, le fast-food), toutes deux induites par la logique de profit qui régit la chaîne agroalimentaire ;

- l’exploitation de l’homme par l’homme pour des motifs de profit : les épidémies dans le Tiers-Monde (refus de fabriquer des médicaments génériques pour la trithérapie, par exemple), la déforestation et le massacre de milliers de plantes et d’insectes, la destruction des ressources (matérielles et culturelles) des peuples indigènes.

Face à ce qui est perçu comme une mondialisation des oppressions, s’organise une mondialisation des résistances, qui va se traduire, notamment, par l’alliance entre les causes, l’utilisation de tous les modes d’actions, du plus radical au plus conventionnel. En cela, l’expérience du syncrétisme vécu par les New Agers permet de structurer ces alliances, comme le remarque Starhawk dans le cadre des religions néo-païennes :

‘[…] Pagans and Witches have accrued a proud record of involvement in feminist issues, gay liberation, and antinuclear, antiwar, and environmental campaigns. […] Over the last ten years, our community’s political work has broadened in scope. In the last few months, for example, I’ve gone up to the Headwaters forest base camp to offer support for the blockade protesting the clear‑cutting of old‑growth redwoods; spoken at rallies; circulated petitions, and picketed the GAP as part of a boycott protesting logging activities in Mendocino County; visited an action camp in Minneapolis, where a strong Pagan presence has been an integral part of the organizing, to offer support and ritual; helped to found an organization in our community to address land use issues; facilitated meetings; opened a dialogue with vineyard owners around their use of pesticides; traveled to El Salvador to visit the sister communities Reclaiming supports; passed out endless flyers; wrote to state, local, and federal representatives and the California Department of Forestry – not counting the petitions I’ve signed online, or the work of teaching and writing, which I consider highly political. […] I’m more public than most Pagans, but not atypical. Our community has been deeply involved in direct action around nuclear power and weapons, Central American solidarity, and antimilitarism. 742

Notes
740.

P. Moreau-Defarges, La Mondialisation, 2001, p. 7.

741.

Pour une critique complète et argumentée des dérives économiques et culturelles de la mondialisation, voir l’ouvrage de N. Klein, No Logo, Montréal, Arles : Actes Sud, 2001, devenu ouvrage de référence de part une large circulation dans les milieux alternatifs.

742.

Starhawk, The Spiral Dance, pp. 7-8.