3. Le New Age - outil : logiques d’acquisition de pouvoir personnel et social

La logique d’acquisition de pouvoir est nécessairement et fondamentalement en lien avec la logique de changement social (qu’il soit progressiste ou réactionnaire, d’ailleurs), dans la mesure où cette dernière vise à redonner le pouvoir aux minorités, aux opprimés et aux peuples exploités.

Dans le New Age également cette recherche de pouvoir est centrale, avec la nuance que le terme « pouvoir » recouvre des réalités différentes (plus en termes énergétiques), que le processus d’acquisition n’est plus unique mais multiple (et démultiplié à l’infini), et devient un impératif moral individuel et une responsabilité. Toutefois, dans la nouvelle conscience, l’importance de cette acquisition de pouvoir est envisagée premièrement au niveau individuel, tout comme dans la perception des Nouveaux Mouvements Sociaux :

‘The historical and current conception of empowerment practice focuses primarily on individual enlightenment and emancipation in a way that is not directly relevant to collective action and social transformation. 750

Le New Age se préoccupe essentiellement de l’univers et de la communauté, aux dépends de l’intermédiaire que constitue la société. L’accroissement du pouvoir personnel, qui doit permettre l’amélioration du sort de l’humanité (l’efficacité améliorée des méditations individuelles permettra de supprimer la guerre dans le monde par le biais de méditations collectives), et le bien-être de la communauté (les pouvoirs de guérison à distance peuvent soulager les membres de la « famille étendue ») ; ne se préoccupe pas des institutions sociales, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans la lutte contre les inégalités et pour la justice sociale. Le New Age est confronté à une impasse (que peu de New Agers reconnaissent pour telle) : en l’absence de changement structurel, l’acquisition de pouvoir ne peut être véritablement efficace.

‘While empowerment connotes both a subjective and objective reality, they are related but different phenomena. As she [M. Breton] points out “The objective reality of empowerment refers to the structural conditions which affect the allocations of power in a society and give access to its resources” (Breton, 1994, p. 29). Breton argues that the subjective reality of changes in perception/consciousness/enlightenment, while important, is different from objective results/outcome, e.g., impact on social conditions. Such social action in empowerment practice is a move beyond the focus on the individual. 751

La pensée New Age aurait tendance à ne s’appliquer qu’au premier aspect de l’acquisition de pouvoir (qui concerne la perception/conscience/ « enlightenment »). Or, un changement de cet ordre uniquement, s’il ne remet pas en cause l’inégalité structurelle de la société, est inapte à s’appliquer au-delà des limites des relations interpersonnelles. Il ne s’agit donc pas de l’idéal égalitaire, universel et démocratique du New Age :

‘From a perspective of empowerment focusing primarily on individual enlightenment and emancipation, one would say that every person ought to develop their own abilities and needs, and be “empowered” to do so. Yet in a society based on relations of subordination and superordination […], [the] society produces personalities with one-sided developed abilities, personalities which are the result of peoples’ places stratified by class, race, gender, and culture, and the role expectations that go with them. Such a situation, if accepted as a necessary limiting condition for empowerment practice, means empowerment within the context of the prevailing social order. 752

Dans leur vision de transformation du monde, les New Agers se concentrent sur l’acquisition de pouvoir au niveau personnel, et négligent le niveau structurel. Le mouvement continue de s’inscrire dans une dynamique d’intégration (donnant à ses membres des outils qui leur permettent de s’adapter à leur environnement) et d’acceptation, et dans une recherche d’approbation sociale, d’autant plus développées auprès des minorités qui ont déjà tendance à utiliser ce genre de stratégies.

Les New Agers ne souhaitent pas effectuer de coupure avec les courants anarchistes et radicaux dont ils sont proches. Cependant, la nouvelle conscience s’adapte aux évolutions de la situation mondiale, à la fois dans la hiérarchie de ses préoccupations, et dans sa post-modernité structurelle. Ainsi, le New Age peut être considéré comme un Nouveau Mouvement Social, dont il a les principales caractéristiques. Les auteurs de la nouvelle conscience, courant polymorphe, utilisent les rhétoriques libertaires, individualistes, et révolutionnaires, qui conservent une certaine centralité dans le mouvement ; dans le même temps le discours se situe à un niveau personnel qui ne se pose pas en menace réelle pour le pouvoir en place.

Notes
750.

J. Herrick, “Empowerment Practice and Social Change: The Place for New Social Movement Theory”, in The New Social Movement and Community Organizing Conference, University of Washington, Seattle, WA, 1995.

751.

J. Herrick, “Empowerment Practice and Social Change”.

752.

Id.