Alliance entre l’éco- féminisme et mouvements gays et lesbiens

L’éco-féminisme est également à l’initiative d’une alliance avec les mouvements gays et lesbiens. En effet, l’exclusion des hommes dans les groupes de parole, les « all-women events », et certains groupes spirituels, s’applique également dans des domaines plus intimes. La logique d’acquisition de pouvoir en faisant la preuve (à soi et au monde) de l’autonomie et de l’auto-suffisance des femmes, passe par une exclusion des hommes de nombre de domaines. Il ne suffit pas, par exemple, de l’existence de quelques femmes scientifiques pour démontrer leur égalité aux hommes sur le plan intellectuel, il faudrait plutôt une série de découvertes majeures faites par un laboratoire de recherche entièrement féminin. De même, l’homosexualité féminine permet d’affirmer l’indépendance des femmes sur le plan émotionnel et affectif. Certes, cela ne signifie pas que l’éco-féminisme ou le féminisme passe nécessairement par l’homosexualité, cependant elle permet de démontrer certaines affirmations des éco-féministes

Par ailleurs, le sexisme et la discrimination à l’égard des femmes s’exprime de manière plus virulente encore dans les mouvements homophobes (et en particulier à l’encontre des mouvements lesbiens). Par ailleurs, le sexisme est un discours contrôlant et portant un jugement de valeur sur la sexualité ou le sexe (perception des homosexuels comme des personnes a-sexuées et/ou mal sexuées). Or, le mouvement éco-féministe lutte contre de telles tentatives de contrôle et de telles visions du monde, restrictives en ce qu’elles diminuent un être humain à sa seule sexualité.

Le combat des homosexuels et des féministes au sein des religions traditionnelles est très souvent lié, en ce que les mêmes églises refusent l’ordination des femmes, et les couples gays ou lesbiens ; en contrepartie les églises progressistes qui intègrent des femmes dans le clergé tolèrent les couples homosexuels (c’est le cas de l’Eglise Unitarienne* et de l’Eglise Spiritualiste*). Dans la société en général, discours machiste et homophobe sont parfois liés, même si une telle affirmation est de moins en moins vraie. Historiquement, la libération sexuelle, en dissociant la sexualité de la reproduction, a dans le même mouvement accordé le contrôle de la fertilité aux femmes, et le droit d’exister aux homosexuels. L’éco-féminisme re-valorise la sensualité et le plaisir de la chair hors du contexte reproductif, en cela il accueille les gays et lesbiens mieux que les religions judéo-chrétiennes par exemple.

Enfin, pour beaucoup de participants de la nouvelle conscience, il existe un lien entre spiritualité et sexualité, en ce que l’une comme l’autre relèvent de l’acceptation et de l’affirmation de l’identité profonde. L’homosexualité s’accommode bien d’une spiritualité alternative : le non-conformisme s’applique à tous les aspects de la vie, ce qui se manifeste par la fréquentation des mêmes milieux marginaux. Pour Diane, la découverte de son homosexualité coïncide avec son investissement dans la nouvelle conscience, sans qu’elle puisse déterminer lequel des deux facteurs a été premier. La recherche d’une communauté amicale se superpose avec la recherche d’une philosophie plus ouverte :

‘But I began to really, I began to see how frustrated with the patriarchal church I was. I was becoming more of an amateur feminist. And looking more at… wondering why women weren’t more broadly accepted. And why gay and lesbians weren’t more broadly accepted. And that became a path for me then. I did move from my heterosexual life and I became engaged with a woman and I have been a lesbian later in my midlife. But maybe more than that, I began to look for a church that would allow more freedom that way and I was searching all over and I found the Unitarian Church, Unitarian Universal Church. Which gave me a sense of community of people, but also it was very accepting and I really liked their principles of accepting the intrinsic worth of all people, of honoring everyone’s spiritual walk, and respecting where you were on your path. And just that they were very earth-centered, honoring the web of all life. So I really did a lot of personal growth, as finding the Unitarian church and discovering my own spirituality within myself, and I think that spirituality has a lot to do with your sexuality. I think that if you can be sexually who you are, you’re a whole person. 772

Dans la religion de la Déesse, l’homosexualité est dédramatisée, puisque l’accent est mis sur l’universel humain en chacun. D’autre part, chaque être humain est perçu comme étant sous la double influence de sa féminité et sa masculinité, équilibre instable qui peut se décliner de mille façons différentes. Lorsque la logique syncrétique est poussée à l’extrême, on parvient à la notion d’ « androgynie sacrée », qui permet aux hommes de s’approprier la religion de la Déesse :

‘A second approach‑more popular with men – sees men as appropriating the Goddess as Divine Feminine, the repressed feminine side of their souls which they must reclaim to midwife themselves into androgynous wholeness. 773

L’éco-féminisme hésite donc entre deux stratégies, qu’il utilise et combine en proportions variables :

- combattre le machisme et la suprématie masculine sur son propre terrain (par l’activisme, l’implication des femmes dans la politique, la science, l’histoire, etc.), attitude qui affirme l’égalité entre les hommes et les femmes, et qui souligne leur parenté fondamentale.

- ne pas s’engager dans les valeurs masculines qui ont un pouvoir corrosif et de corruption, et développer les qualités féminines chez les femmes comme chez les hommes. Cette deuxième option met l’accent sur la différence fondamentale entre les sexes, différence qui ne justifie pas pour autant un rapport de domination. Avec la transition dans l’ère du Verseau, les valeurs féminines, et notamment l’égalité, doivent « dominer » sur la planète.

L’importance du culte de la Déesse dans le néo-paganisme en particulier et dans le New Age en général n’est pas à négliger : en effet, l’ensemble de la nouvelle conscience prône le retour du féminin, et souligne l’importance de la divinité féminine dans les traditions pré-chrétiennes, et réciproquement, le culte de la déesse puise une grande partie de sa justification et de sa légitimité dans les traditions pré-chrétiennes.

Notes
772.

Entretien avec Diane (11-02-2002).

773.

R. Radford Ruether, “Deep Ecology, Ecofeminism and the Bible”, in D. L. Barnhill, R. Gottlieb, Deep Ecology and World Religions, p. 238.