La mosaïque chrétienne

Le Liban, pour des motifs découlant de la géographie surtout par sa montagne difficilement pénétrable, a constitué tout au long de l’histoire, une forteresse pour les chrétiens du Moyen-Orient. Du coup, les chrétiens du Liban s’y trouvent concentrés en un espace restreint, de telle sorte que dans bien des endroits, ils sont nettement majoritaires.

Les chrétiens étaient autrefois présents dans la quasi-totalité du Liban, avec une prédominance dans la zone montagneuse. Celle-ci constitue l’épine dorsale du pays, mais la guerre les a chassés de régions entières, les conduisant à s’entasser, au nombre d’environ un million, dans un petit réduit de 1000 km² situé au Nord de Beyrouth. Une des conséquences les plus claires de la guerre du Liban a été en effet, la substitution de zones confessionnellement homogènes à l’ancienne imbrication communautaire. Les affrontements des miliciens chrétiens avec l’armée en 1989-1990 auraient entraîné le départ en émigration temporaire ou définitive d'un nombre énorme des chrétiens libanais. Les chrétiens sont répartis entre 14 communautés citées ci-dessous.

  • Les Maronites : La communauté maronite est née sur la tombe de saint Maroun (+410). À la mort du grand homme, ses disciples fondent le célèbre monastère qui porte son nom, point de départ de l’expansion de la communauté.La première communauté, au Liban, fut celle des Maronites, disciples de Saint Maroun, arrivés en deux grandes vagues : la première, à la suite du massacre de 350 martyrs dans la vallée de l’Oronte, entre Apamée et Antioche, en 517, et la seconde après la conquête musulmane de la Syrie, vers le milieu du VIIème siècle.

Les Maronites se réfugièrent dans la Montagne libanaise en quittant les plaines d’Antioche et du Nord de la Syrie pour vivre en sécurité et en liberté leur foi religieuse. La destruction du monastère de saint-Maroun et le transfert de la résidence patriarcale au Liban activèrent encore davantage le mouvement d’immigration. Les maronites, se répandant dans le “pays du cèdre”, y dressèrent la croix et firent de ce massif un autel chrétien.

L’Eglise maronite se distingua des autres communautés chrétiennes d’Orient, par son attachement au siège de Rome. Contrairement à Constantinople qui rompit avec Rome en 1054, les Maronites et leur Eglise en premier lieu ont renforcé leur lien avec l’Eglise de Rome en particulier sous l’influence des Croisades : les liens entre le patriarcat et la papauté étaient consolidés.

L’attachement des Maronites au Siège apostolique romain ouvre leur Eglise sur des horizons qui sont ceux de l’universalité. Il les engage concurremment dans une modernité dont l’Europe est le foyer d’élaboration et de diffusion mondiale depuis la Renaissance. L'ouverture sur le monde occidental et le soutien des pays européens – en particulier de la France – constituent une richesse certaine pour les maronites.

Leur patriarche toujours libanais est reconnu par tous comme le premier chef indiscutable de son église. C'est ainsi qu'il a la faculté de s'exprimer au nom des maronites ; il est souvent mandaté par les autres patriarches pour parler tantôt au nom de tous les catholiques et tantôt au nom de tous les chrétiens, voire des non-chrétiens libanais.

  • Les Grecs Orthodoxes : Les orthodoxes sont les chrétiens les plus anciennement installés au Proche-Orient. Leur patriarcat a le titre de l’Eglise d’Antioche. Ils appartiennent à l’Eglise orthodoxe qui a consommé la rupture avec l’Eglise de Rome lorsque Constantinople a effectué le schisme en 1054.

La communauté grecque orthodoxe se perçoit comme la vraie continuatrice de la première chrétienté antiochienne. Elle est aujourd’hui formée des trois patriarcats autocéphales : Antioche, Alexandrie et Jérusalem qui appartiennent à la communion de la foi orthodoxe, reconnaissent la primauté d’honneur du patriarcat œcuménique de Constantinople, pratiquent le rite byzantin (en arabe ou en grec).

Les orthodoxes se perçoivent comme les dépositaires de l’authenticité chrétienne orientale à cause de leur opposition à l’Occident. En revanche, ils reprochent aux maronites leur “latinisation” en droit canonique et leur “occidentalisation” en politique.

Leurs regroupements sont au Nord à Koura, Batroun, Tripoli et Akkar, Mont-Liban, Beyrouth et au Sud du Liban.

  • Les Grecs Catholiques : A la différence de son homologue orthodoxe, l’église grecque catholique du Liban est homogène dans ses structures : son unité s’incarne en la personne d’un seul Patriarche. Les Grecs Catholiques sont unis au siège de Rome.

La communauté des Grecs-catholiques est la seconde grande communauté catholique après les Maronites. Ils firent leur retour à l’Eglise de Rome dont ils étaient séparés depuis le schisme de 1054 entre l’Eglise Byzantine de Constantinople qui représente l’Orient chrétien et l’Eglise Romaine de l’Occident. Le retour de cette Eglise à l’union avec Rome fut favorisé par l’envoi de plusieurs missions latines surtout Franciscaine et Jésuite.

Sa constitution définitive en tant qu’Eglise date de l’élection en 1724 du Patriarche Cyrille VI Tanass. Il ne fut pas reconnu par les Ottomans ; au contraire ceux-ci déclenchèrent contre lui une véritable persécution, qui le poussa à se réfugier au Liban. La présence de cette communauté au Liban est répartie sur l’ensemble du territoire libanais : à Beyrouth, Mont-Liban, Chouf, Békaa et Zahlé.

L'Etat du Liban représente pour eux un pays de liberté, c'est pourquoi ils défendent farouchement leur appartenance à cet Etat, tout en le défendant lui-même contre d'éventuelles menaces de fusion arabe.

  • Les communautés “minoritaires” : Il y a d’autres communautés chrétiennes minoritaires, dont la présence est récente au Liban, à partir du XXème siècle, sauf pour les latins : la communauté arménienne, les Latins, les Protestants et d’autres communautés.
    • Les arméniens

À partir du XVIIIème s. se dessine la formation au Liban de petites colonies arméniennes, très isolées et très fragiles. Au XIXème s. et surtout au XXème s. des familles arméniennes qui fuient les persécutions viendront s’installer au Liban par trois vagues successives.

  • Les Latins

Les premiers latins qui sont revenus s’installer en 1336 à Harissa-Liban, furent les franciscains de la Custodie de la Terre Sainte. Cette communauté est de rite latin et de discipline romaine.

  • Les communautés protestantes

Les débuts de l’activité protestante remontent au XVIIIème s. dans l’Est des USA, avec Jonathan Edwards et son disciple Samuel Hopkins. Les Protestants exercent d’abord leur mission auprès des Indiens avant de la faire passer à l’échelle mondiale. Leur but principal consiste à préparer “le chemin du Seigneur” en collaborant avec les églises d’orient pour convertir et les Juifs et les Musulmans. Ils ont fondé leur propre église évangélique à Beyrouth, avant d’essaimer un peu partout dans les villes et les villages du Liban. Il existe au Liban, un certain nombre d’autres églises évangéliques, telle l’église évangélique nationale, les églises de l’union évangélique arménienne du Proche-Orient, etc. Les fidèles de ces communautés proviennent, dans leur écrasante majorité, des communautés orientales.

  • L’église syriaque orthodoxe tient à rappeler qu’elle perpétue le tronc principal de la chrétienté antiochienne. Elle est une église pré-chalcédonienne qui ne reconnaît pas la définition de la double nature du Christ donnée par le concile de Chalcédoine de 451.
  • Les Syriaques catholiques unis à Rome après une longue série de rapprochements. Au Liban, cette église a payé un lourd tribut à la guerre, d’autant plus que ses attaches avec l’Occident l’exposaient à un amalgame avec l’église maronite.
  • Les Assyriens survivent aux tourmentes de la première guerre et du lendemain de l’indépendance de l’Iraq (1933). À la suite de ces tragédies, ils prirent la route de l’exil ; quelques-uns s’acheminèrent vers le Liban dont la constitution garantit les droits des minorités religieuses.
  • Quant aux Chaldéens, dont l’église rétablit la communion avec Rome en 1551, leur intégration au Liban est parfaite ; elle remonte à la fin du XIXéme s. vers 1895.

Conscientes des atouts du régime libanais, les communautés minoritaires accusent les confessions majoritaires de monopoliser les privilèges et les positions sociopolitiques prééminentes. Par contre, ces dernières les perçoivent comme des “petits restes” d’un passé prestigieux à jamais révolu.