1.3- L’appartenance confessionnelle

Le confessionnalisme est en réalité un phénomène fondamental et spécifique à la société libanaise. Le confessionnalisme est plus encore pour les Libanais : naître au Liban, c'est en effet être d'emblée assigné à un groupe confessionnel, qui fournit à chacun sa propre définition de soi.

La religion est le seul chemin ou moyen qui pourrait aider à connaître la vraie identité historique du Liban ; la religion est aussi l’unique source pour comprendre le Liban et constitue en même temps le fondement de son histoire séculaire et millénaire. C’est par la religion que s’explique le Liban dans sa réalité historique présente et passée. La véritable identité du Liban est religieuse, ce caractère constitue son fondement.

Le Liban ne peut être compris qu’à partir de cette vérité : réalité religieuse historique qui constitue son phénomène spécifique religieux, fondement même du Liban moderne, parce que à l’origine il est religieux.

Cette identité religieuse se manifeste à travers des valeurs religieuses et morales qui sont le symbole et la base de la coexistence entre les communautés qui ont trouvé refuge au Liban.

Le Liban s’est constitué comme une entité nationale et politique à travers une histoire longue et mouvementée. Sa position géographique et l’histoire l’ont rendu ce qu’il est aujourd’hui une terre de refuge et une terre de convoitise.

Le Liban est devenu au fil des siècles symbole de la coexistence sur le même territoire de plusieurs groupes religieux. C’est précisément dans la Montagne libanaise que les communautés religieuses du Liban ont pu trouver une terre de refuge, de sécurité, de paix et de liberté pour vivre et défendre leurs doctrines religieuses.

Donc le premier noyau de la formation de l’entité libanaise s’est constitué à partir de la Montagne libanaise. Sa configuration géographique constitue un site défensif où vinrent se fixer les diverses minorités chrétiennes et musulmanes opprimées ailleurs.  Ces minorités ou ces multiples groupes religieux ont pu trouver un refuge dans la Montagne libanaise à travers des vagues successives depuis le Vème siècle jusqu’au XXème siècle. Ce qui fait que le Liban est devenu pour ces groupes une terre d’accueil, de rencontre, de dialogue et de convivialité et qu’ils ont pris une appellation religieuse à cause de leur origine.

‘« Chaque groupe se distingue de l’autre en raison de sa religion, de sa langue et de sa culture, et bien après ils se sont transformés au fil des ans sous l’influence d’une prise de conscience collective en communauté : le groupe religieux « en soi » devient alors une communauté « pour soi » en luttant pour sa propre identité religieuse et culturelle. L’emprise de la religion est devenue très forte au sein de chaque groupe religieux et de chaque individu libanais au niveau de la conscience, de l’éducation, de la culture et de la société et même de la politique » (HANF, 1990, p.72).’

L'élément religieux a donc depuis toujours joué un rôle déterminant dans l’identité libanaise.

Toutes les communautés du Liban constituent sa configuration anthropologique. Toutes ces communautés sont également libres dans l’exercice de leur culte, de leurs droits de citoyens et elles participent à la vie publique, culturelle, économique et politique. Aucune communauté ne pourrait se sentir de seconde zone, car la Constitution libanaise élaborée en 1926 reconnaît et garantit tous leurs droits 12 .

Née le 23 mai 1926, la Constitution, qui s’est inspirée des lois françaises de 1875, transforme le Liban en république. Elle entérine l’appartenance de chaque Libanais à une communauté religieuse dotée d’un droit et de tribunaux spécifiques, et institue ainsi le confessionnalisme politique, système par lequel les communautés sont représentées au sein de l’Etat.

Avec la Constitution, il a fallu la mise en place d’un accord non écrit, le « Pacte national » pour rétablir un certain équilibre entre les chrétiens et les musulmans. Ce compromis répartit les fonctions gouvernementales, administratives et militaires, ainsi que les sièges du Parlement entre les chrétiens et les musulmans ; il accorde la présidence de la République à un Maronite, celle du Conseil à un Sunnite, et celle du Parlement à un Chiite. Ce Pacte « finit par consacrer le confessionnalisme au Liban puisque les postes-clés de l'Etat étaient distribués en fonction des confessions » (AZAR, 1999, p.72).

Au sein de la société libanaise, il y a donc une pluralité de communautés religieuses. Ce pluralisme communautaire est la caractéristique fondamentale de son identité.

Chacune de ces communautés a une physionomie particulière, déterminée par les habitudes et des traditions confessionnelles et sociales. Les communautés se trouvent juxtaposées et tiennent à leurs particularismes. Leurs chefs imposent leur influence et font sentir leur action dans l’Etat libanais. Chaque communauté jouit de la propre juridiction de ses chefs religieux et porte devant elle, pour être réglées ou jugées, les affaires relatives à son état civil ou à sa condition particulière juridique (en matière de statut personnel, mariage, séparation , filiation, tutelle, hérédité etc.). De là, l’importance de l’identification communautaire dans la structuration de la société libanaise.

Dans ce contexte, le citoyen libanais ne peut être considéré comme un individu jouissant de ses propres droits civils, mais selon son appartenance religieuse communautaire, qui reste le seul élément et l’unique référence de l’identité globale.

Au Liban, l’individu se trouve sans cesse confronté à la nécessité de redéfinir son identité religieuse et son statut sociopolitique, à la fois dans son groupe et face aux autres groupes. L’emprise de l’identité religieuse et culturelle de chaque communauté est très forte sur la conscience de chacun.

«L’identité religieuse a un rôle primordial dans la formation et la structuration de la société libanaise. Parce que la religion est étroitement liée à la vie des Libanais et constitue la véritable base de leur identité, elle se répercute profondément dans tous les aspects de l’existence. Elle imprègne profondément le peuple libanais, sa société et ses diverses cultures, et elle lui donne une physionomie si particulière, parce que l’emprise de la religion sur les esprits des Libanais est très forte, elle continue à déterminer très largement les attitudes, le comportement, les options fondamentales religieuses, culturelles et même politiques » (BOUSTANY, 1992, p.13).

Au Liban, l’appartenance à une confession est involontaire ; elle est prescrite dès la naissance.

Notes
12.

La Constitution libanaise élaborée en 1926, reconnaît une égalité équitable pour toutes les communautés. L’égalité entre les communautés se trouve soulignée d’une manière explicite dans les articles 9 et 95. L’art. 9 – La constitution garantit également aux populations, à quelque rite qu’elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et leurs intérêts religieux. L’art. 95 – A titre transitoire et dans une intention de justice et de concorde, les communautés seront représentées dans les emplois publics et dans la composition du ministère sans que cela puisse cependant nuire au bien de l’Etat.