1.4.2- La prison confessionnelle

L’histoire et l’existence du Liban en tant qu’entité ont toujours été objet de dispute entre les Libanais. Le différend sur l’existence du Liban s’est cristallisé sous deux angles : le territoire géographique et le choc des origines. Certains ont insisté sur son aspect "arabo-musulman" et d'autres sur son aspect "libaniste phénicien".

Les chrétiens du Liban et plus précisément les maronites ont toujours estimé que le Liban est totalement indépendant des autres régions arabes. Les musulmans (et surtout les Sunnites) n’ont jamais reconnu l’indépendance du Liban par rapport aux autres régions qui constituent « Bilad Cham », partie intégrante des autres régions musulmanes arabes qui forment le royaume arabe.

Les chrétiens se sont toujours persuadés que l’identité du Liban remonte aux origines des siècles phéniciens. Par contre, les musulmans se sentent entièrement arabes. Beydoun dans son livre « Identité confessionnelle et temps social chez les historiens libanais contemporains", explique bien ce conflit chrétien/musulman au sujet des origines :

‘« L’historien chrétien et l’historien musulman sentent tous deux une menace planer sur leur identité en tant qu’elle est rapport à l’origine. Le Chrétien voit la source du danger dans l’islam et dans l’arabisme et le Musulman la trouve incarnée dans le Chrétien et dans l’Occident».’

Les chrétiens portent l'angoisse d'être envahis par les musulmans et se posent des questions sur leur devenir dans une région à majorité musulmane.

La distribution du pouvoir libanais selon des critères démographiques ne se réalise pas sans poser bien des problèmes. "Le dernier recensement (qui révéla la supériorité numérique des chrétiens, spécialement des maronites) à l'origine de la distribution des postes de responsabilités publiques remonte à 1932; or, l'atlas démographique a bien changé dans cette région du monde, notamment en raison du taux élevé de natalité chez les musulmans. On comprend que l'ancienne répartition des pouvoirs publics (qui date de 1943) soit la cause de lancinants litiges" (Vinsonneau, 2002, p187).

Au fil des massacres et des guerres, depuis la nuit des temps, entre chrétiens et sunnites, druzes et chrétiens, les différentes confessions se sont de plus en plus repliées sur leur communauté. Depuis la guerre civile (1990), nombre de chrétiens, surtout des maronites, vivent à Beyrouth ou sur les 1000 kilomètres carrés du « pays chrétien » qui surplombe la capitale. La guerre est terminée depuis 1990. Mais les Libanais ne se mélangent guère et se marient encore moins hors de leur communauté. 

‘«La société libanaise, constituée de dix-huit groupes confessionnels, s’est développée à travers la valorisation de l’élément identitaire religieux et à sa confession s’est nourri des traditions et codes culturels religieux et confessionnels. Le Libanais s’est autocatégorisé comme chrétien ou musulman (par référence à sa religion), comme sunnite, chiite, catholique, maronite, etc. (par référence à sa confession) » (AZAR, 1999, p.34).’