2.4.1.2- La femme mariée

L’égalité entre les sexes est un des enjeux majeurs de notre époque, trop souvent représentée comme un combat entre hommes et femmes, acteurs libres de leurs mouvements. Les acteurs ne sont pas libres, la société leur impose l’essentiel de leurs conduites. La puissance d’imposition sociale vient de ce qu’elle n’est pas extérieure mais incorporée en chacun de nous, de façon très personnelle et concrète, dans les manières d’être et d’agir apparemment anodines qui nous font ce que nous sommes.

Il y a quelques années, les rôles dans les familles étaient bien définis : Le père avait le rôle “instrumental” ; chargé des contacts avec l’extérieur, il était le pourvoyeur économique du ménage ; la mère chargée de tout ce qui était affectif, avait le rôle “expressif”.

Demeurant dans le réseau familial, les femmes seraient vouées à une situation d’infériorité ; parce que ce rôle n’est pas reconnu à sa juste valeur dans les sociétés contrôlées par les hommes. Les rôles d’autorité accordés à l’homme dans le mariage donneraient à la femme une image dévalorisante d’elle-même qui se traduit par un déséquilibre familial.

Ajoutons que le rôle économique du mari entraînait un statut de dépendance pour la femme. Dans les échanges matrimoniaux, l’avantage sur le plan de la décision appartenait à celui qui apportait le plus de ressources dans ses relations conjugales : l’éducation, la qualification professionnelle et un salaire élevé étant des avantages considérables dans les tractations entre conjoints. Celui qui apporte l’argent dispose souvent d’un pouvoir, pouvoir de le dépenser, mais aussi pouvoir sur l’autre. La demande d’argent dont peut faire une femme à son mari, la met en situation de dépendance vis-à-vis de lui : dépendance économique, mais aussi dépendance plus subtile dans les relations qu’ils entretiennent.

Le travail féminin s’avère également une variable décisive pour le changement affectant la conception du rôle féminin dans les sociétés traditionnelles. Les aspirations d’une jeune fille ou d’une femme ont changé, son avenir ne se résume plus uniquement à un mari, des enfants, et une maison à entretenir. Comme elle a fait des études ou obtenu des qualifications professionnelles, il est frustrant de devoir renoncer à faire fructifier ses dons et ses compétences.

Le travail professionnel constitue pour la femme une véritable ressource qui lui permet d’améliorer son statut dans le couple et dans la société de façon notable. Les femmes qui, hier, étaient flattées par une demande en mariage et qui craignaient le célibat comme la pire des situations, refusent aujourd’hui presque catégoriquement le mariage prescrit ou arrangé.

En effet, maîtresse de sa fécondité, assurée de son autonomie matérielle, la femme “nouvelle” bouleverse les anciens équilibres de la famille. Elle refuse d’être reléguée dans l’expressivité de femme aliénée et obéissante.

L’ère de sa “domesticité”, au sens étymologique de ce dernier mot, est terminée. Du coup, d’une alternative identitaire, elle passe à une évaluation critique de l’engagement avec le partenaire conjugal. Se marier, pourquoi pas ? Mais pas à n’importe quel prix.

Souvent, plus le diplôme est élevé, plus les femmes embrassent une carrière. Le métier a donné de l’assurance, de la distinction, ouvert des horizons. Les femmes, de plus en plus présentes dans l’espace public, accèdent en masse à une individualité, produite de l’égalisation.