Les types du changement social

Si l’on considère la logique de fonctionnement d’une société, deux types généraux de changement peuvent l’affecter. Le premier est la mutation, qui est un changement dans la logique de fonctionnement ; le second est la rupture, qui est le changement de la logique de fonctionnement.

La mutation est une forme de changement qui se produit de l’intérieur du système social, comme un processus de transformation interne, résultant de la puissance de la classe dirigeante et de la mobilisation de la classe populaire. En cas de mutation, en effet, la société continue à fonctionner selon la même logique, c’est-à-dire que les finalités principales autour desquelles se structurent les relations sociales dans les différents champs restent les mêmes. Mais le principe de sens, qui oriente et définit la signification de ces finalités, change. Donc, les champs relationnels restent structurés par les mêmes finalités principales, mais le contenu de sens de celles-ci se modifie. Du coup, on peut parler aussi d’évolution.

Dans une évolution, le changement est le résultat involontaire (et parfois indésiré) d’une somme de choix individuels, fait par les membres d’une catégorie sociale inorganisée, donc sans liens de solidarités entre eux, et dont les décisions ne suscitent ni conflits, ni contradictions. Tous les changements sociaux résultent d’abord d’une évolution ou tout au moins ont été préparés par elle.

Bref, l’évolution est, chronologiquement, la première modalité du changement, dans la mesure où elle prépare les conditions de l’apparition des autres modalités. Ce n’est qu’après une évolution plus ou moins longue que les solidarités collectives se constituent et que les stratégies apparaissent. Par exemple, pour que puisse naître le mouvement des femmes, il a fallu qu’une longue évolution en prépare les conditions, notamment par l’ouverture des écoles aux filles, par l’extension du travail des femmes hors du foyer, par le développement de l’électroménager, par la découverte de la pilule, etc. Aucune réforme, révolte ou révolution n’apparaît si elle n’a pas été préparée par un ensemble de changements évolutifs, dont il s’agisse d’une mutation ou d’une rupture.

Quant à la rupture, elle est l’inverse de la mutation. La rupture est une forme de changement qui provient de l’extérieur du système social, suite à l’action critique de ceux qui en sont exclus la société change de logique de fonctionnement, mais le principe de sens, sur lequel se fondent les finalités des champs relationnels, reste le même. Autrement dit, les acteurs sociaux porteurs de la logique dominante de fonctionnement ont été éliminés par d’autres, porteurs d’une ou de plusieurs autres logiques.