Les phases du changement social

Il y a tout d’abord, une phase de mise en question des croyances et des attitudes. Cette phase est appelée unfreezing (dégivrage). C’est la mise en question du système de valeurs. Le doute doit atteindre le noyau des valeurs fondamentales du système culturel collectif. Cette phase peut être plus ou moins longue.

Chevauchant cette phase et la suivante, il y a une phase de malaise que l’on appelle la crise culturelle. Tension ressentie par tous les membres du groupe, phase de révolte ou d’abattement qui voit apparaître des essais de comportements nouveaux auxquels tout le corps social est attentif. La collectivité est à la recherche de nouvelles normes, d’une nouvelle représentation cohérente du monde.

Une phase d’élaboration d’une nouvelle croyance survient ensuite. Là aussi c’est une phase plus ou moins longue. Par effet de contexte peut surgir un nouvel objet nodal, les élites peuvent inventer de nouvelles normes, une catastrophe humaine peut fixer une nouvelle valeur clé. L’ancien système, même ébranlé, s’effondre rarement d’un seul coup. Il subsiste pendant un certain temps des croyances hétérogènes qui, petit à petit, trouvent à se situer et à se hiérarchiser avant que certaines disparaissent.

La dernière phase est la phase de systématisation des valeurs nouvelles ou phase de freezing (prise en masse). Les nouvelles valeurs sont plus clairement saisies, les élites les promeuvent et les défendent et explicitent pour tous la nouvelle vision du monde qu’il faut désormais avoir. Les valeurs délaissées sont systématiquement dévalorisées, le corps social retrouve une plus grande homogénéité, un plus grand dynamisme et donc une nouvelle identité culturelle.

En conclusion, cette théorie de modernisation nous aide à mieux comprendre ce qui se passe dans les sociétés traditionnelles qui cheminent vers la modernité en laissant petit à petit leurs caractéristiques holistes pour adopter d’autres caractéristiques d'individuation.

Aujourd’hui, dans la société libanaise, malgré la prédominance du groupe sur l’individu, ce dernier se détache peu à peu du groupe. Il s’agit donc d’un rapport conflictuel. L’individu intériorise et sélectionne ce que le groupe social lui donne. Il y a une reconnaissance du sujet non englobé par le groupe social.

Le changement dans l'institution du mariage est le meilleur témoin de ce début du changement social : le sujet commence à se positionner contre le système clos des communautés religieuses qui interdit tout mélange matrimonial entre les communautés. Aujourd'hui, le sujet commence à dire "non" – bien que ce soit parfois difficile – au système qui lui interdit de choisir librement le partenaire avec qui il a décidé de faire sa vie (ou un bout de chemin).

Aujourd’hui, la société libanaise est en plein changement social, en pleine guerre contre son système communautaire qui gère la vie privée des individus ainsi que l'institution du mariage.

Un bref passage théorique, sur le concept du mariage vu par le christianisme et l'islam, me semble importante.