3.1.1- Le « couple »

Le couple est issu du mot latin copula (attacher ensemble), il signifie le lien, la liaison, la réunion. Qui dit lien pourrait dire aliénation, appartenance de l’un à l’autre. “Le couple est une équation à deux inconnues. Pour la résoudre, il faut connaître la nature des inconnues et le rapport qui les lie” (THIBAULT, 1987, p.9).

Le couple n’est pas une notion fixe, immuable, une réalité préfabriquée, selon un schéma valable pour toutes les époques. Il est en évolution continuelle avec le temps. La relativité de la notion de couple apparaît si l’on considère la variété des conceptions suivant les cultures, et suivant les groupes sociologiques à l’intérieur d’une même culture (milieu rural, urbain, etc.).

Le couple ne se forme pas, à toutes les époques de l’Histoire, selon les mêmes motivations : tantôt il se fonde sur les affinités personnelles, tantôt en fonction des exigences culturelles : famille, patrimoine, travail, etc. Il n’y a donc pas de couple d’aujourd’hui. Le couple, aujourd’hui, émerge du couple d’hier et prépare le couple de demain. Pour pouvoir se situer aujourd’hui, il doit à la fois remettre en question le passé, et prévoir l’avenir.

Le couple est à la base de toute société. Mais s’il fonde la société, elle-même agit sur lui. Le couple est dans une série d’interactions avec le milieu humain. Qu’il soit légal ou illégal, reconnu ou non, il interpelle ceux qui l’entourent. Sa constitution, qu’on le veuille ou non, concerne la société dans laquelle il est inclus, à laquelle il est en droit de demander des prestations, des services divers.

Le couple prend place et vie au sein d’une société. “Ce n’est pas le couple qui dit qu’il est marié, ni quand il est marié, c’est la société, dit le philosophe Paul Ricœur. On n’est donc un couple qu’en référence à un tiers. Les époux s’unissent non seulement l’un à l’autre, mais leur promesse publique les unit en tant que foyer à la société, donnant ainsi naissance à une nouvelle cellule sociale” (POUJOL, 1999, p.202).

La vie en couple composé d’un homme et d’une femme, liés par le mariage, n’est pas la seule forme reconnue de vie de couple. Depuis quelques années, en Europe (ce n’est pas le cas du Liban), est apparue la revendication d’une reconnaissance sociale et juridique du couple homosexuel, et d’un droit au statut du concubinage. La notion de couple recouvre donc une réalité sociologique qui déborde celle du mariage.

Dans le couple, il s’agit de “vivre à deux” ; cette expression reflète davantage la dynamique de la vie du couple que l’expression “vivre ensemble”. Vivre à deux, c’est moins être ensemble que tenter de médiatiser dans et par la parole ce qui se vit. Cette expression mutuelle atteint un autre registre que celui de l’échange d’informations : “Comment vas-tu ? Bien, et toi ?"Aujourd’hui, j’ai fait ceci ou cela”. S’exprimer permet aussi qu’une vie de couple soit possible malgré les séparations qu’imposent le travail ou la vie. “Le couple est un projet, et comme tout projet (escalade en montagne, sortie en mer…), il rencontre des obstacles, des difficultés, des coups de chien, qu’il faut savoir franchir. Et quand l’un lâche, l’autre doit tenir” (MARRONCLE, 1981, p.131).

Le couple n’est pas l’addition de deux individus, de deux “je” qui juxtaposeraient leurs personnalités, mais une entité, un être original unique. Il y a couple quand l’appel de l’un modifie l’autre avec retour et va-et-vient. Ce mouvement au sein d’un couple n’exclut ni le changement en chacun de ses membres dû à l’érosion du temps, ni le respect de la parole donnée.

‘“Le couple, c’est très bon ou c’est très mauvais… c’est très bon quand c’est un noyau de résistance, un point de réflexion, une force disponible pour autre chose. C’est mauvais quand c’est refuge, repli, consommation à deux… le couple est refuge, mais le couple consomme : c’est comme couple que l’on dépense, c’est ensemble que l’on s’installe, c’est ensemble que l’on voyage, que l’on emprunte” (MARRONCLE, 1981, p.123). ’ ‘“Le couple s’inscrit dans la durée : il vient d’un passé, il traverse un présent, et il exige un avenir" (THIBAULT, 1987, p.24). ’

Le couple est une réalité mouvante et en continuelle évolution en fonction du temps : au cours de son histoire individuelle, et au cours de l’histoire collective. Ce fait est et sera toujours une réalité pour le couple. C’est le paradoxe suprême de la condition humaine : que la seule donnée constante de la vie soit précisément le changement.