3.4.3- Entre deux pôles

La réflexion sur la mixité, qui est aussi une réflexion sur l’autre et la gestion des relations avec l’autre, ouvre des larges perspectives.

‘"Envisager les couples comme des sociétés multiculturelles « en miniature », par exemple, c’est postuler qu’une société est composée de communautés antagonistes. Il est certain que, dans des pays en proie à la guerre civile, les couples mixtes symbolisent le rassemblement et la médiation (en même temps que la guerre leur interdit de remplir cette fonction). Au contraire dans ceux où règne relativement un état de paix (civile) les couples mixtes ne sont que la preuve de l’exercice des libertés individuelles les plus fondamentales » (VARRO, 1998). ’

La mixité est tour à tour stigmatisée ou valorisée : présentée comme une audace, une liberté, une « victoire » du sentiment sur la norme, elle rappelle surtout par les tensions qu’elle suscite, des frontières symboliques qui ne contiennent plus le comportement des individus. La mixité d’une certaine manière ne retient l’attention que par les transgressions. Ce terme mixité, par la sympathie, l’indifférence ou l’antipathie qu’il déclenche, se montre un puissant révélateur des mécanismes sociaux. Selon les contextes où il émerge, le couple mixte traduit des processus qui concernent autant les groupes ethniques et les familles que les individus.

Le couple mixte exprime, si l’on peut dire, bien plus que l’engagement de deux personnes : il dévoile des ruptures anthropologiques avec le passage d’un mariage découlant d’une logique groupale à des unions façonnées par des choix individuels : il éprouve la loi communautaire. Le mariage mixte met à mal toutes les stratégies matrimoniales traditionnelles; celles qui prenaient sens par rapport au lignage, comme celles qui se référaient à la famille étendue se trouvent subitement sans perspectives.

Le mariage mixte est alors perçu comme une mise en question de cette tradition, et constitue de ce fait un acte discursif potentiellement moderniste (si l’on admet que la modernité est une attitude sociale qui privilégie les principes universalistes et autorise la mise en question de toute tradition).

Les mariages mixtes peuvent être considérés comme de simples indices de la cohésion des groupes en présence, comme des actes témoins de l’affaiblissement de la catégorisation sociale, ou comme des événements qui posent des problèmes particuliers de vie quotidienne du fait de l’hétérogénéité des cultures, c’est-à-dire des normes attachées à chaque groupe.

Le « couple mixte » porte un double enjeu : enjeu par rapport à l’ordre familial et enjeu par rapport à l’ordre social, ceci dans le cadre d’une interaction entre les relations privées (le domestique, le familial) et publiques (l’Etat et ses instances).