3.4.5- Le christianisme et le mariage mixte

L'attitude du christianisme face au mariage religieux mixte se traduit clairement dans ce discours d'un prêtre catholique rencontré au Liban, il dit :

‘"Dans le cas des mariages mixtes catholique/musulman, la prudence et la patience s'imposent. Avant le mariage, des décisions claires doivent être prises par les futurs époux. En effet, les lois qui régissent le mariage dans l'islam diffèrent beaucoup de celles qui le régissent dans l'Eglise catholique. Polygamie, divorce et discrimination entre l'homme et la femme dans le mariage sont courants dans les lois musulmanes mais pas dans celles de l'Eglise catholique. Les propriétés essentielles du mariage ne sont pas les mêmes pour les deux religions".’ ‘"Après avoir consulté les pasteurs sacrés intéressés à la matière, et après avoir attentivement évalué toutes les circonstances, les deux empêchements de religion mixte et de disparité de culte étant maintenus (mais la faculté étant accordée aux ordinaires des lieux d'en dispenser, conformément aux dispositions contenues dans la lettre apostolique Pastorale munus, n˚ s 19 et 20, lorsqu'il existe des causes graves, et à condition que soient observées les prescriptions de la loi)" (MAHMASSANI, 1970, p.602).’

En principe, l'Eglise catholique ne reconnaît pas à un baptisé catholique la possibilité d'épouser un conjoint non-baptisé. Du canon 1086, il résulte qu'il existe un empêchement à la célébration valide d'un mariage "entre deux personnes dont l'une a été baptisée dans l'Eglise catholique ou reçue dans cette Eglise, et ne l'a pas quittée par un acte formel, et l'autre n'a pas été baptisée".

‘"Canon 51 : Par 1 : L'Eglise ne dispense de l'empêchement de religion mixte qu'aux conditions suivantes :
– qu'il y ait des causes justes et graves
– que le conjoint non catholique donne la garantie d'écarter le danger de perversion du conjoint catholique et que les deux conjoints s'engagent à baptiser et élever tous leurs enfants dans la seule église catholique
– qu'il y ait certitude morale que ces engagements seront tenus
Par 2 : On exigera régulièrement que les garanties soient données par écrit"(MAHMASSANI, p.490).’

Cet empêchement rend nulle la célébration d'un tel mariage, à moins que l'obstacle créé par l'empêchement n'ait été levé au préalable. Cependant, lorsque la demande lui en est faite, l'Ordinaire du lieu, c'est-à-dire l'évêque ou son délégué, peut, dans certains cas, autoriser la partie catholique à contracter un tel mariage. Cela ne peut se faire que dans les conditions suivantes :

Dans un mariage mixte, l'Eglise ne peut pas laisser au conjoint le libre choix d'éduquer son enfant dans n'importe quelle religion. Les graves devoirs du conjoint chrétien,de même que les conséquences de son comportement concernentaussi la communauté religieuse tout entière. Dans la déclaration sur la liberté religieuse, le droit est reconnu aux communautés religieuses d'aider leurs membres dans la pratique de leur vie religieuse.

L'Eglise catholique exige dans le mariage mixte la promesse du partenaire catholique de conserver sa foi catholique, de baptiser tous ses enfants et de les éduquer tous dans la foi catholique. "La partie catholique est obligée de faire cette promesse. La partie non-catholique devra être informée de la grave obligation pour le conjoint catholique de protéger et professer sa foi et de faire baptiser et élever en elle les enfants à naître. Ainsi cette même partie doit être invitée à promettre, ouvertement et sincèrement, qu'elle ne fera pas obstacle à l'accomplissement de ce devoir." (SAAD, 2004, p.154).

Le problème est complexe : comment les Eglises peuvent-elles concilier le respect de la religion de l'autre conjoint dans un mariage mixte et l’obligation du baptême des enfants ?

À propos de la doctrine de l'Eglise catholique sur ce sujet, les mariages mixtes ne permettent pas la réalisation de la communauté de foi que doit fonder et développer le mariage chrétien, faisant des époux les témoins de l'amour du Christ pour son Eglise, et reproduisant ce modèle dans leurs rapports quotidiens.

D'autre part, le Pape canoniste Benoît XIV (pape de 1740 à 1758) note qu'aucun texte de l'Ecriture ne déclare ces mariages nuls, mais que la coutume et la discipline universelles les réprouvent, parce qu'il y a un manque dans un tel mariage par rapport à un mariage entre deux époux baptisés.

Les Eglises Orthodoxes, pour leur part, sont beaucoup plus intransigeantes sur la question des mariages mixtes que l'Eglise catholique. En effet, l'Eglise originelle interdisait ces types de mariages. Depuis le grand schisme de 1054 entre l'Orient et l'Occident, les Eglises orthodoxes n'ont pas tenu de concile pour réexaminer la question des mariages mixtes, ce qui fait que ces mariages sont toujours interdits dans la législation et dans la théologie orthodoxe. Le mariage avec un non-chrétien contredirait le sens même du sacrement.

Pour les Eglises issues de la Réforme, il suffit que l'un des conjoints soit homme et l'autre femme. Luther n'accorde pas de grande importance aux qualités morales ou religieuses des époux. Que l'un soit incroyant, croyant ou orthodoxe, l'un juif, musulman ou païen; et l'autre chrétien, peu importe.