4.5.1.2- Processus de formation

L'élaboration des stéréotypes a été mise en évidence par les travaux de Tajfel (1978). Les individus expriment leurs préférences en fonction du groupe dans lequel ils se trouvent et ils adoptent alors des comportements de discrimination qui sont liés à cette insertion. On constate notamment que le stéréotype est toujours négatif si les contacts entre groupes sont compétitifs; à l'inverse, il est plutôt positif quand les échanges entre les groupes sont coopératifs.

Dans le cas des stéréotypes et des préjugés, une seule expérience suffit souvent, à tort, à généraliser, car elle s’articule sur une opinion déjà existante. Cette opinion résulte d’un processus de sélection qui ne vise pas la connaissance de l’autre, mais qui est créé de toutes pièces pour justifier des phénomènes de rejet. La généralisation hâtive ne cherche pas à replacer les événements et les rencontres dans un contexte. Les faits sont pris isolément et interprétés à travers des lunettes ethnocentriques. En outre, les généralisations deviennent des lois.

Nous ne savons pas toujours pourquoi nous ne nous sentons pas à l’aise avec telle ou telle catégorie de personnes ; aucune expérience personnelle ne renseigne sur l’antipathie ressentie, il se peut que l’expérience qui a fait naître l’image donnée négative soit ignorée, oubliée ou refoulée. La mémoire collective peut jouer son rôle à ce niveau ; elle s’appuie également sur des expériences : guerres, alliances, occupation, exploitation, solidarité, rivalités, etc.

Il arrive que la mémoire produise des récits de toutes pièces, sans aucun lien avec la vérité historique. Il arrive aussi que l’expérience personnelle soit vécue à la lumière de la mémoire collective. Il est toujours plus commode de partager une opinion conformiste, qui renforce un jugement déjà établi, que d’aller à contre-courant.

Comme le stéréotype désigne les images, concepts et attitudes que la plupart des membres d’un même groupe social ont en commun et qu’ils considèrent comme justes, un individu ne possède ces stéréotypes que dans la mesure où il partage les mythes sociaux du groupe auquel il appartient.

M. ABDALLAH-PRETCEILLE, dans "Vers une pédagogie interculturelle" distingue quatre mécanismes qui régissent la formation du stéréotype : la généralisation, le réductionnisme, la permanence et l’amalgame. Ces mécanismes sont, en outre, entachés d’affectivité et de subjectivité.

Les stéréotypes se fondent sur les « on-dit », des rumeurs, des anecdotes, bref sur des témoignages isolés qui ne suffisent pas à justifier une généralisation. Ils ne s’appuient pas sur des faits objectifs et se présentent donc comme une sorte de pensée autistique relativement indépendante de la réalité extérieure.

L’image est réduite à quelques traits saillants, généralement peu structurés entre eux et qui tendent à en faire une caricature de la réalité vidée de son contenu réel et complexe et dont il ne subsiste qu’un contour squelettique.

La distance est grande entre celui qui opère provisoirement par simplifications - celles-ci n’étant considérées comme simples modalités discursives - et celui qui construit un raisonnement à partir de simplifications érigées en postulats. Il est vrai que voir un groupe, un peuple, signifie reconnaître une structure à travers les différences par-delà des circonstances multiples et instables et que la tendance à la simplification est particulièrement forte à propos de groupes importants, impossibles à saisir dans leur ensemble, comme les communautés ethniques. Cette simplification permet de se représenter un peuple donné comme un ensemble homogène, il faut se garder de transformer ce qui n’est que simples conjectures en vérités fondamentales et immuables. Il ne faut pas confondre simplification et stéréotype.

Le mécanisme de l’amalgame, qui opère par télescopage chronologique et/ou spatial en passant d’un niveau de réalité à un autre et en tentant de ramener l’inconnu au connu, substitue à une démarche interrogative une démarche totalisante, c’est-à-dire qui n’accepte pas de laisser hors de son champ certaines incompréhensions même provisoires. Un des postulats de l’approche interculturelle est, au contraire, d’accepter la complexité irréductible du réel, sans opérer des simplifications théoriques, voire idéologiques. La tentation de l’explication pour l’explication constitue une des limites du discours interculturel.

Stéréotypes et préjugés constituent donc des obstacles à la connaissance, dans la mesure où ils interviennent avant même toute formulation puisqu’ils influencent la perception et l’expérience.

‘«Nous faisons une sélection des expériences admettant à notre conscience celles qui entrent dans le cadre de nos stéréotypes. Il se produit souvent des distorsions : nous changeons la perception de la réalité que nous avons sous les yeux pour mieux l’adapter à nos stéréotypes. En troisième lieu, nous faisons une réinterprétation des mêmes données pour sauvegarder encore une fois nos stéréotypes. Finalement, nous pouvons rejeter certaines expériences comme des exceptions » (ABDALLAH – PRETCEILLE, 1996, p.117).’