5.8.1- Le « in-out »

Dans les années 1950, Shérif dans ses études propres a analysé la dynamique des conflits entre groupes. Des comparaisons entre l'endogroupe (in group) et l'exogroupe (out group) qui font apparaître un écart positif sont source d'un prestige élevé; des comparaisons entre l'endogroupe et l'exogroupe qui font apparaître un écart négatif aboutissent à un prestige faible.

L'in group est un sentiment d'appartenance développé entre les membres à l'intérieur d'un groupe; il s'agit le plus souvent de sentiments positifs, d'affinités et de solidarité. L'out group est un sentiment de différenciation par rapport à un groupe extérieur; il s'exprime généralement sous forme de traits stéréotypés qui peuvent être associés à des sentiments d'hostilité, de distance ou d'indifférence.

Il s'agit d'une sorte d'attitude sociale générale tendant à favoriser l'in-group par rapport à l'out-group, et ceci indépendamment des rapports objectifs entre groupes et des motivations individuelles particulières.

Chaque individu construit en effet son identité sociale à partir de l'appartenance à certains groupes et de la signification émotionnelle et évaluative qu'elle revêt. Comme l'individu est porté à rechercher une identité positive, il est généralement conduit à valoriser ses groupes d'appartenance (ou à les quitter si ce n'est pas possible).

Les qualités sont donc attribuées aux membres du groupe d'appartenance et les défauts attribués aux membres du groupe étranger. La stéréotypie, avec ses conséquences désindividualisantes et déformantes, fonctionne activement pour rejeter l'étranger dans les limbes de la négativité.

Ainsi, dans la vie sociale, les événements positifs sont majoritairement rapportés à l'endogroupe, et les événements négatifs font l'objet d'un déplacement vers l'exogroupe.

Dès lors qu'il opère une dichotomie entre son groupe d'appartenance et les groupes auxquels il n'appartient pas, le sujet produit lui-même de l'étrangeté : en opposant ce qui est interne à ce qui est externe; ce qui procède de "Nous" et ce qui mérite d'être expulsé vers l'extérieur, vers "Eux". Il s'agit d'une "opération de construction de l'étranger" 19 .

En conséquent, les frustrations, tensions et autres éléments négatifs sont déplacés en direction des membres des groupes étrangers, de telle sorte que leur intégrité est menacée. Le groupe d'appartenance est donc réaffirmé de la manière la plus flatteuse possible, ce qui fonde la base d'un "moi idéal" en contrepoint de l'image de l'autre péjoré.

L'attachement au groupe d'appartenance conduit le sujet à une identification à un groupe uni (ou perçu comme tel). Avec ce sentiment de fusion, le sujet peut aisément être amené à exagérer la catégorisation "eux/nous". Une telle dynamique peut se pervertir, elle pousse alors jusqu'à l'extrême le renforcement simultané des similitudes d'un côté, des différences de l'autre.

Dans ces circonstances, le conflit 20 s’accentue de plus en plus. Les mécanismes de la discrimination s'érigent en une matrice indéfinie de tensions. Une des dimensions importantes des relations entre groupes est celle de l'existence de tensions et de conflits. Ces conflits ont des effets multiples, à la fois sur le fonctionnement des relations intergroupes et sur le fonctionnement à l'intérieur de chaque groupe.

Notes
19.

Expression utilisée par Vinsonneau G. dans "Identité culturelle", 2002

20.

Le conflit c'est l'ensemble de comportements qui se traduit tantôt par des évaluations, tantôt par des représentations incompatibles et en opposition avec celles des autres groupes.