5.9- Discrimination

L'accentuation des similitudes intragroupes et des différences intergroupes, suite à la catégorisation, amène les sujets à se percevoir comme étant semblables aux autres membres de l'endogroupe et différents de ceux de l'exogroupe. Cette différenciation entre l'endogroupe et l'exogroupe entraînerait des différenciations correspondantes sur le plan des évaluations intergroupes et sur celui des comportements discriminatoires.

Le fait de se trouver rangé dans le même groupe, dans la même catégorie que certaines personnes, et dans une catégorie différente d'autres personnes, déclenche le comportement de discrimination. Le sujet suppose que les membres d'une même catégorie se ressemblent. Dans ce cas, le favoritisme envers l'endogroupe serait l'équivalent de la sympathie dans le domaine interpersonnel.

Ainsi les sujets dans la situation des groupes minimaux avantageraient les membres de leur endogroupe pour le but de rendre l'endogroupe le plus différent possible de l'exogroupe. Un phénomène purement cognitif - "la différenciation catégorielle" - pourrait expliquer la discrimination.

En revanche, même si on répartit les sujets dans les groupes selon une procédure au hasard, ceux-ci continuent à traiter les membres de l'endogroupe plus favorablement que ceux de l'exogroupe. La similitude avec les membres de l'endogroupe n'est donc pas nécessaire à l'apparition du favoritisme, mais elle n'est pas sans effet pour autant. Les sujets favorisent davantage les membres de l'endogroupe quand ils pensent que ceux-ci leur ressemblent, que lorsqu'ils pensent que les groupes ont été constitués au hasard.

Mais alors, que se passerait-il si les membres de l'exogroupe, eux aussi, ressemblaient au sujet ?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer deux sortes de similitudes : la similitude interpersonnelle, c'est-à-dire le fait que les individus membres de l'un ou l'autre groupe ressemblent au sujet, et la similitude intergroupe, c'est-à-dire le fait que les deux groupes, envisagés chacun selon ses caractéristiques d'ensemble, se ressemblent entre eux. Ces deux variables ont des effets très différents sur le favoritisme.

La similitude interpersonnelle au sein de l'endogroupe renforce le favoritisme; par contre, la similitude interpersonnelle entre le sujet et les membres de l'exogroupe n'a aucun effet; le sujet favorise son propre groupe au même degré, que les membres de l'exogroupe lui ressemble ou non.

En effet, les comportements de discrimination auraient pour fonction d'établir une différenciation positive entre l'image de l'endogroupe et celle de l'exogroupe, différenciation qui permet au sujet de construire ou de consolider une identité sociale positive. Lorsque des groupes interagissent à partir de leur identité sociale, c'est souvent une situation de confrontation qui s'instaure où il s'agit moins de s'ouvrir à l'autre que de renforcer l'identité de son groupe face à « l’adversaire ».

La discrimination est au service de l'estime de soi. Les personnes qui ont une faible estime d'elles-mêmes, ou qui se trouvent dans une situation qui met cette estime en danger, éprouveraient le besoin de la consolider en revalorisant leur endogroupe, ce qui déclencherait les comportements de discrimination.

Donner plus de ressources aux membres de l'endogroupe qu'à ceux de l'exogroupe représente pour l'individu, la meilleure façon de maximiser son gain personnel, parce qu'il s'attend à ce que les membres de son propre groupe agissent de même à son endroit. La discrimination en faveur de l'endogroupe serait perçue comme le moyen le plus rationnel et le plus efficace de s'assurer un gain personnel maximum. Le sentiment de partager un sort commun avec les membres de l'endogroupe conduit l'individu à favoriser les membres de son propre groupe au détriment de ceux de l'exogroupe.

La discrimination est le fait des sujets qui se sont identifiés fortement à leur endogroupe. Par contre les sujets qui s'identifient peu à leur endogroupe ne discriminent pas. La discrimination intergroupe est reliée à la motivation pour acquérir et maintenir une identité sociale positive.